Projet de loi climat : un engagement minimum de la France au regard des objectifs européens

Création : 15 mars 2021
Dernière modification : 21 juin 2022

Autrice : Justine Coopman, étudiante en master 2 droit de l’Union européenne à Lille

Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur au laboratoire VIP (Paris-Saclay)

Depuis le 8 mars, le projet de loi “climat et résilience” est en discussion à l’Assemblée nationale. Pendant deux semaines, les députés vont débattre sur la transition écologique. C’est un projet de loi français, mais qui s’inscrit, il ne faut pas l’oublier, dans le cadre de la future “loi” européenne sur le climat, en cours de discussion au Parlement européen. Elle avait fait l’objet d’une négociation homérique au Conseil européen, très bien décrite à l’écran dans un documentaire diffusé sur LCP. 

Projet de loi français “climat et résilience” et projet de “loi” européen sur le climat

Issu de la Convention citoyenne pour le climat voulue par Emmanuel Macron, le projet de loi français s’inspire des propositions faites par les 150 citoyens tirés au sort et qui s’étaient vu assigner la mission suivante : proposer des mesures concrètes pour atteindre l’objectif de baisse d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990).

Mais l’aboutissement d’un tel périple déçoit certains observateurs. Lors de leur dernière session, les 150 volontaires de la “Convention citoyenne” ont “sanctionné” l’action gouvernementale par une note globale de 3,3/10. Et pour cause, seulement 10 propositions sur les 149 sont reprises sans filtre contrairement à ce qu’avait promis le Président. Un tiers sont reprises partiellement et près d’un quart ont vu leur champ réduit.

De son côté, la “loi” européenne sur le climat affiche une ambition plus marquée. Elle a été qualifiée de “loi” par ses promoteurs, alors que l’appellation officielle pour ce type d’acte est “règlement”. Ce n’est pas anodin: le but est de montrer les enjeux politiques, d’être mieux compris des citoyens, sur un texte qui va nécessiter des changements majeurs dans nos sociétés. À ambition commune entre le projet de loi français et européen, résultat commun ? Ce projet de “loi” européenne obtiendrait-il une meilleure note de la part de la Convention citoyenne ?

Dans le cadre du Green Deal présenté par Ursula Von der Leyen en décembre 2019, un objectif est fixé pour 2050 : la neutralité carbone. Afin de le réaliser, un premier cap est fixé : d’ici 2030, l’ensemble du territoire de l’Union devra avoir réduit d’au moins 55 % ses émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990.

La “loi” européenne sur le climat a pour but d’inscrire ses deux objectifs dans le droit pour qu’ils soient contraignants et que l’Union puisse sanctionner les États qui traîneraient des pieds. Il ne s’agit en tout cas pour le moment que d’un objectif politique car, tout comme le projet français, le projet européen est en cours de débat devant le Parlement européen. Pour autant, il y a de grandes chances que cette “loi” climat européenne aboutisse prochainement. Ce n’est qu’une question de temps, le consensus étant désormais acquis. En effet, après d’âpres négociations, le Conseil européen a approuvé à l’unanimité cet objectif en décembre 2019, ce qui préfigure un feu vert de la part du Conseil, co-législateur avec le Parlement. La Pologne, du fait de sa forte dépendance au charbon, bénéficiera d’aménagements. 

Ces objectifs établis, il faut préciser qu’il s’agit d’un effort collectif. Cela signifie que d’ici 2030, l’objectif sera évalué pour l’ensemble du territoire, ce qui permet d’assigner un objectif différent à chaque États : tous ne devront pas atteindre 55% de réduction, et certains devront faire plus. Pour déterminer les objectifs de chaque État membre, il est prévu de prendre en compte plusieurs paramètres, comme par exemple le fait que l’État possède un littoral, ce qui concerne particulièrement l’Italie. Pourra aussi être pris en compte le degré d’industrialisation ou encore ses ressources, telles que le pétrole pour les pays se trouvant en mer du Nord, ou le gaz notamment pour les Pays-Bas. Le fait que la France ait comme principale source d’énergie le nucléaire est évidemment un élément majeur.

Une application a minima du droit européen 

La France est de fait dotée du plus grand parc nucléaire d’Europe ce qui, en termes d’émission de CO2, lui apporte un avantage face aux pays de l’Est encore très dépendants du charbon. La France devra donc réduire de 40% ses émissions d’ici 2030, pour contribuer à l’effort collectif européen de 55%, mais elle pouvait faire plus.

Avec cette réduction de 40%, le projet de loi français prévoit une participation minimale aux engagements européens. En outre, selon l’étude d’impact associée au projet de loi, les mesures retenues ne devraient pas permettre d’atteindre l’objectif de 2030. Mais, selon la ministre de la transition écologique Barbara Pompili qui s’exprimait à propos du mécontentement de la Convention citoyenne : “ils ont réagi comme si le projet de loi était la seule base pour la reprise de leurs propositions, mais c’est une erreur, leurs objectifs se retrouvent aussi ailleurs”. Cet “ailleurs” se trouverait en partie dans le plan de relance français et le projet de loi de finances pour 2021. Mais il est également complété par des actions au niveau européen.

L’Union européenne contrôle en effet une part des émissions de CO2 émises sur son territoire par un système de quotas. Les entreprises européennes ont, en quelque sorte, le droit d’émettre du CO2 jusqu’à un certain seuil. Une fois leur quota dépassé, elles doivent payer des “crédits” pour émettre plus de CO2. Cette “bourse des droits à polluer” concerne les secteurs les plus polluants, notamment les centrales électriques, les industries ou encore les compagnies aériennes, soit environ 45% des émissions de l’Union européenne.

Le Parlement européen a récemment voté en faveur d’une extension de ce mécanisme de quotas d’émissions aux entreprises de pays tiers qui importent dans l’Union. L’idée est de rendre non rentable la délocalisation de certaines industries hors du continent pour échapper au paiement des droits à polluer. Cela alimenterait aussi le budget de l’Union européenne, qui en aura bien besoin pour rembourser une partie du plan de relance de 750 Md€ et financer la transition énergétique.

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