Série (3) – Procès des attentats de janvier 2015 : quels sont les chefs d’accusation ?

Création : 22 octobre 2020
Dernière modification : 20 juin 2022

Autrice : Myriam Hammad, diplômée de Sciences Po Lille, sous la direction d’Emmanuel Daoud, avocat (cabinet Vigo) et membre de la Fédération internationale des droits de l’homme

Les Surligneurs vous offrent une série d’éclairages sur le procès “hors normes” des attentats de janviers 2015, qui se tient jusqu’à début novembre. Les articles sont de Myriam Hammad et Alex Yousfi, sous la direction d’Audrey Darsonville et Emmanuel Daoud.

Le procès des attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 se poursuit à la Cour d’assises spéciale de Paris. Les débats qui se déroulent permettent à la formation de jugement d’examiner les différents chefs d’accusation portés à l’encontre des quatorze personnes impliquées.

Parmi celles-ci, trois sont absentes, celles qui, pourtant, ont été les plus proches d’Amédy Coulibaly : Hayat Boumeddiene, son ex-compagne  se trouverait dans la zone irako-syrienne, bien que cette information ne provienne pas d’une source officielle. Les frères Mehdi et Mohamed Belhoucine sont présumés morts, bien que la justice française ne dispose pas de certificat de décès. Mais leurs rôles respectifs sont interrogés dans la préparation de ces attentats de janvier 2015 et leur absence, ne les empêche pas de figurer parmi les accusés.

Comment certains accusés sont-ils jugés malgré leur absence ?

En France, jusqu’à la loi Perben II du 9 mars  2004, il était possible d’être jugé « par contumace », c’est-à-dire, par la voie d’une procédure écrite, sans représentation par un avocat. Cette particularité judiciaire permettait d’éviter la prescription : si la personne était retrouvée, l’affaire était de nouveau jugée en sa présence. La procédure qui s’applique désormais est celle dite du « défaut criminel », qui permet à l’accusé absent d’être tout de même représenté par un avocat, avec des débats oraux. Cette modification de la procédure a été rendu obligatoire à la suite d’une une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme dans une décision du 13 février 2001.

Désormais donc, la procédure de « défaut criminel » devant une cour d’assises entraîne soit un report du procès, soit une condamnation par défaut, sans possibilité d’appel pour l’accusé, lorsque celui-ci ne se présente pas à l’audience, ou est en fuite. Néanmoins, si l’accusé se constitue prisonnier ou s’il est arrêté avant l’expiration du délai de prescription de la peine (qui est de vingt ans), alors le jugement de la cour d’assises est déclaré non avenu. En d’autres termes, un nouveau procès doit alors s’ouvrir, à moins que l’accusé n’y renonce en acceptant son jugement par défaut. Et dans ce cas il pourra tout de même faire appel.

Ce cas pourrait éventuellement se présenter avec Hayat Boumeddiene ainsi qu’avec Mehdi et Mohamed Belhoucine qui sont toujours visés par un mandat d’arrêt.

Quels sont les chefs d’accusation pour les accusés ?

Le code pénal prévoit un certain nombre d’infractions spécifiques au terrorisme lorsque celles-ci sont « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur » selon l’article 421-1.

Onze des accusés le sont pour « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste ». L’association de malfaiteurs, renvoie au « fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits, d’un des actes de terrorisme » selon l’article 421-2-1 du code pénal. C’est pourquoi, en audience, les questions portent sur les différents parcours des accusés, les moments où ils auraient pu se rencontrer, ou faire la connaissance d’amis communs, de proches. Leurs liens et leurs rencontres entre eux et avec les terroristes sont questionnés. Ils encourent une peine de 20 ans de réclusion.

Deux accusés, Mohamed Belhoucine, absent et Ali Riza Polat, présent, font l’objet de la plus grave des accusations : la complicité de crime terroriste. Un nombre conséquent de conditions en droit pénal doivent être remplies pour que la complicité soit caractérisée (article 121-7 du code pénal). Il s’agira pour les magistrats de comprendre et de mesurer le degré de leur implication et de leur influence respectives dans la construction et l’organisation de ces attentats.

Enfin, un seul des accusés comparaît pour« association de malfaiteurs simple », ce qui est un délit et pas un crime, contrairement aux accusations précédentes. Il assure ne pas avoir eu connaissance de la préparation des attentats, l’instruction n’ayant par ailleurs pas permis de contredire ses propos. Il encourt une peine de dix ans de prison.

Retrouvez les articles de notre série sur le procès des attentats de janvier 2015 :
Chronologie d’un procès hors normes
Pourquoi une Cour d’assises spéciale ?
Quels sont les chefs d’accusation ?
Pourquoi un procès filmé ?

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