ÉLECTIONS LÉGISLATIVES 2022 : LA PARITÉ RECULE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Création : 13 juillet 2022
Dernière modification : 27 juillet 2022

Autrice : Marie-Elise Auguères, master de vie publique et relations institutionnelles, Université Paris-Panthéon-Assas

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Charles Denis

Le 19 juin 2022 marquait l’élection des députés de la XVIème législature, avec 37,3 % de femmes élues, soit un déclin significatif de la parité sous la Vème République, alors même que la législation adoptée en la matière a été renforcée. On tente de comprendre pourquoi.

Petit historique

Selon le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, “la parité est un outil autant qu’une fin visant le partage à égalité du pouvoir de représentation et de décision entre les femmes et les hommes”. 

Pour rappel, les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes depuis le 21 avril 1944, et lors des élections législatives qui ont suivi, elles représentaient 5,6 % des députés élus. La question de la parité n’entrera réellement dans le débat politique que dans les années 1980. Dans un premier temps, un projet de loi de 1982 relatif à l’élection des conseillers municipaux visait à mettre en place cette parité, mais il a été jugé inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel qui considérait que ces dispositions établissaient une “division par catégories des électeurs ou des éligibles”.

La question de la parité en politique, ainsi enterrée, ne refit surface qu’en 1996, avec le Manifeste pour la parité hommes-femmes, rédigé par dix femmes, dont Edith Cresson (Première femme à occuper la fonction de Premier ministre en 1991), Simone Veil ou encore Monique Pelletier. Le texte dénonce le retard de la France en la matière, en comparaison avec d’autres pays, rappelant que seulement 6 % des députés sont des femmes (comme en 1944 !), propose de créer des quotas, de financer les partis politiques “en fonction du respect de la parité de leurs instances dirigeantes et de leurs élus”, et de modifier la Constitution “pour y introduire les discriminations positives”.

Il faudra attendre trois ans avant que la Constitution ne soit modifiée, et que son article 3 mentionne expressément : “La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives” : désormais, des mesures législatives peuvent être prises en ce sens, sans être sanctionnées par le Conseil constitutionnel, puisque c’est la Constitution même qui impose les “divisions” entre catégories d’électeurs.

Les textes actuels

Des règles contraignantes sont mises en place en juin 2000. En particulier, pour les élections législatives, les partis ne présentant pas 50 % de candidats de chaque sexe sont sanctionnés par une réduction de leur financement public. Pour rappel, les partis sont financés par des fonds privés (par les cotisations des adhérents ou par des dons) et publics (l’État). Dans ce dernier cas, le financement s’effectue en deux fractions : la première porte sur les résultats aux élections législatives (pour les partis ayant présenté dans au moins 50 circonscriptions des candidats ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés) et la seconde sur la proportion des députés élus. Ainsi, la loi de 2000 prévoit que le montant de la première fraction soit diminué lorsque l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe dépasse 2 % de la totalité des candidats. Ce dispositif a ensuite été rendu plus sévère, en 2007 puis en 2014.

Des résultats décevants en termes de parité

En dépit de cette sanction financière, certains partis préfèrent investir des candidatures masculines au détriment des candidatures féminines, quitte à voir le financement de leurs campagnes amputé. Les effets des dispositions législatives sont donc limités. Lors des élections législatives 2017, le parti Les Républicains a par exemple vu le montant de sa première fraction réduit de près d’1,8 million d’euros, et de 252 000 euros pour La France Insoumise. Cinq ans plus tard, Les Républicains occupent la dernière place en matière de parité, avec seulement 36% de femmes investies.

La loi impose certes une parité de candidatures aux élections législatives, mais pas une parité d’élus. Or, cette parité est difficile à atteindre puisque les élections législatives sont un scrutin uninominal (soit un seul candidat élu). Pour éviter toute sanction, il suffit donc pour un parti politique de présenter pour moitié des candidatures féminines, et peu importe qu’elles soient élues ou pas. En pratique, cela se traduit par le fait que les femmes sont présentées par les différents partis politiques sur des circonscriptions où elles ont peu de chances d’être élues, autrement dit non gagnables” (la gagnabilité étant évaluée notamment au regard des scores aux élections présidentielles et des tendances locales de vote). Par exemple, le Rassemblement national a investi 49 % de candidatures féminines pour les élections législatives de 2022, mais seulement 33 des 89 députés RN sont des femmes. Tous partis confondus, 44 % des candidatures étaient féminines mais après les élections, elles ne sont plus que 33 % à siéger à l’Assemblée nationale (en 2017, 42,4 % des candidatures étaient féminines et 38,7 % avaient remporté un siège).

Le législateur a donc son rôle à jouer en encourageant une parité effective : “Là où la loi n’est qu’incitative, les femmes sont encore sous-représentées. Là où la loi ne dit rien, les hommes restent largement majoritaires. En revanche, là où la loi est contraignante, la parité quantitative est presque atteinte” (Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes). Cette parité permet de garantir la démocratie dans notre société, en luttant contre les stéréotypes de genre, et en promouvant un modèle égalitaire entre les individus. Reste à trouver un mécanisme qui assure la parité tout en laissant le libre choix aux électeurs, car ce sont en définitive eux qui décident.

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