Stéphane Ravier : trois mois de prison pour avoir collé des affiches, c’est une “dérive tyrannique gravissime”
Auteur : Elio Di Santolo, master de droit pénal des affaires, Université de Lorraine
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Relecteur : Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal, Université de Lorraine
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier
Source : Compte X (Twitter) de Stéphane Ravier, 13 décembre 2023
Non seulement les trois condamnés ne l’ont été qu’avec sursis, mais il n’ont pas été sanctionnés pour un simple collage d’affiches : ces affiches appelaient à la haine.
Bien que reconnue comme une liberté fondamentale, la liberté d’expression connaît néanmoins certaines limites, qui n’impliquent pas pour autant une déviance vers un État totalitaire.
À la suite de l’attaque d’Annecy, dont l’auteur armé d’un couteau avait blessé quatre enfants et deux adultes, des militants du groupuscule identitaire Patria Albigès avaient fermé les parcs de la ville d’Albi le 10 juin et inscrit sur des pancartes : “Parc fermé – raison de fermeture : risque élevé de se faire poignarder – protégeons nos familles de l’immigration”. Trois prévenus comparaissaient devant le tribunal correctionnel d’Albi ce mardi 12 décembre pour cette action : ils ont été condamnés à trois mois de prison avec sursis.
Sur le réseau social X, le sénateur Stéphane Ravier, élu du groupe Reconquête, commentait cette décision : “Trois mois de prison pour avoir COLLÉ DES AFFICHES ? Mais on est où là, en Union Soviétique ? La répression prend un tour absolument délirant, cette dérive tyrannique est gravissime”.
Contrairement à ce que ce commentaire suggère, les membres du groupuscule n’ont pas été condamnés pour avoir collé des affiches mais en raison du contenu de ces affiches.
D’abord ce qui est faux
Contrairement à ce que soutient Stéphane Ravier, les auteurs de cette action “anti-migrants” n’ont pas été condamnés pour avoir simplement collé des affiches, mais pour avoir, sur ces affiches, commis une provocation à la haine en raison de la non-appartenance d’un groupe de personnes, les immigrés, à une nation : la France. Dans le cas des affiches en cause, assimiler “l’immigration” à la délinquance, et plus particulièrement au risque de se faire poignarder, revient à dire que les étrangers sont dangereux et donc à inciter la population à les rejeter.
Ensuite, les trois membres du groupuscule ont été condamnés avec sursis, ce qui rend la peine bien moins “gravissime”.
Un abus de la liberté d’expression
On trouve dans la loi du 29 juillet 1981 sur la liberté de la presse plusieurs infractions qui permettent de punir les abus de la liberté d’expression. Constitue ainsi une infraction toute provocation “à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée” (article 24 de la loi de 1881). Peu importe le mode d’expression : l’infraction est caractérisée, qu’elle soit commise “par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit” (article 23 de la loi de 1881). Ainsi, dire qu’il faut réduire le nombre d’immigrés n’est pas répréhensible. En revanche, clamer que les immigrés sont dangereux et tenter d’instaurer un climat de haine à leur égard est puni.
La peine encourue pour de tels actes est “d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement” (article 24 de la loi de 1881). On le voit, ce qui est interdit, c’est le fait d’exhorter, d’inciter des personnes à avoir un comportement haineux, violent ou discriminatoire envers un groupe de personnes en raison d’un des critères énoncés par la loi.
Stéphane Ravier, que nous avons contacté, n’a pas répondu à nos sollicitations.
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