Pour la ministre hongroise de la Justice, la décision de la Cour de justice de l’Union européenne sur l’État de droit vise le référendum sur l’interdiction de la “propagande homosexuelle”
Dernière modification : 30 septembre 2022
Autrice : Jessica Airey, master droit de l’Union européenne, Université de Lille
Relecteur Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au centre de recherches VIP, Université Paris-Saclay
Source : Compte Facebook de Judit Varga, 16 février 2022
Ce n’est pas le sujet de la décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne le 16 février dernier. La législation européenne qui a été validée permet à l’Union de ne pas verser des aides européennes lorsqu’un État membre ne lutte pas suffisamment contre la corruption, ou n’assure pas l’indépendance de sa justice, ce qui peut avoir pour conséquence une mauvaise utilisation des fonds européens. En aucun cas le référendum sur la “propagande homosexuelle”, comme l’appellent ses partisans, n’est concerné par cette législation.
Judit Varga, ministre hongroise de la Justice, a dénoncé la décision du 16 février dernier comme “la preuve que Bruxelles abuse de son pouvoir”. Dans un message public publié sur Facebook, elle affirme que la décision de la Cour de justice de l’Union européenne est une réponse au prochain référendum hongrois proposé pour interdire la “propagande homosexuelle” dans le pays. Toutefois, la décision de la justice européenne n’a pas de lien avec la question des discriminations en fonction de l’orientation sexuelle, mais concerne un rejet des plaintes déposées par la Pologne et la Hongrie contre une loi européenne qui conditionne le versement des fonds européens au respect de certains standards démocratiques. Ce que cible la nouvelle législation européenne, ce sont plutôt des problèmes liés à l’attribution de marchés publics, aux conflits d’intérêts et à la corruption.
Le 16 février, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision en rejetant “dans leur intégralité” les recours introduits par la Pologne et la Hongrie contre une législation européenne adoptée en décembre 2020, au moment où l’Union se dotait également d’un gigantesque plan de relance de 750 milliards d’euros pour aider les États membres à lutter contre les effets de la crise sanitaire. La Cour a écarté les arguments des gouvernements polonais et hongrois contre cette législation, qui permet à l’Union de ne pas verser une aide publique à un État qui ne respecterait pas l’État de droit.
Dans sa réaction à la décision, la ministre de la Justice de Hongrie, Judit Varga, a déclaré que la Cour de justice de l’Union européenne avait pris “une décision politique en raison de notre prochain référendum sur la protection de l’enfance”. Le référendum auquel Mme Varga fait référence dans son message est décrit par ses défenseurs comme protégeant les enfants de la “propagande homosexuelle”. Ce référendum est vivement critiqué par l’Union européenne et des organisations de défense des droits de l’homme qui y voient une discrimination à l’égard des personnes LGBTQ. Or, ce référendum n’est absolument pas menacé par la décision de la Cour de justice du 16 février, qui valide la loi européenne conditionnant le versement des aides au respect de l’État de droit.
Inscrit dans le traité sur l’Union européenne, l’État de droit est une des valeurs fondamentales de l’Union, des valeurs qui font partie, selon la Cour de justice, de “l’identité même de l’Union“. Il s’agit également d’une condition essentielle à l’adhésion à l’Union européenne, chaque pays acceptant de protéger et de respecter l’État de droit. Cela exige essentiellement des États membres qu’ils assurent l’indépendance des systèmes judiciaires nationaux et respectent les critères démocratiques. Ces critères ont été acceptés lors de l’adoption des critères de Copenhague qui définissent plus précisément ces exigences, notamment l’État de droit.
Dans un geste inhabituel, les dirigeants de l’UE avaient convenu en décembre 2020 d’attendre l’issue du recours juridique avant que la loi européenne puisse être utilisée. La décision, très attendue, diffusée en direct pour la première fois dans l’histoire de la Cour, signifie que la Commission européenne peut refuser à la Hongrie et à la Pologne des fonds européens en réponse aux atteintes à l’indépendance de la justice et à la corruption qui fait disparaître dans la nature des fonds européens. Une décision désormais envisagée par la Commission européenne, sous la pression du Parlement européen.
Contactée, Judit Varga n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.
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