Pour désigner le candidat qu’il parrainera, le maire de Sainte-Anastasie-sur-Issole (Var) lance une consultation des électeurs

Création : 24 janvier 2022
Dernière modification : 27 juin 2022

Auteur : Antoine Lunven, master droit public approfondi, Université de Bordeaux

Relectrice : Isabelle Muller-Quoy, maître de conférences en droit public, Université de Picardie Jules Verne

Source : Ouest-France, 19 janvier 2022

Le référendum local, ou la consultation sont des instruments de démocratie participative des citoyens, mais qui ne concernent que des décisions relevant de la compétence des collectivités territoriales. Or, l’élection présidentielle n’est pas une affaire locale. En plus, les règles de procédures ont été tout bonnement oubliées.

Le maire de la commune de Sainte-Anastasie-sur-Issole dans le Var a eu une idée originale pour désigner le candidat qu’il parrainera pour l’élection présidentielle. Indécis, il entend lancer une procédure de consultation des électeurs. Une pluie d’ennuis l’attend s’il met son projet en œuvre : outre l’illégalité de cette consultation, le parrainage qui en résulterait serait probablement invalidé.

La consultation locale est un de ces instruments de la démocratie participative en vogue, qui vise à associer les citoyens à la prise de décision par les élus locaux. Certains semblent apparemment y voir un remède à la crise de la démocratie politique, comme le maire de Sainte-Anastasie-sur-Issole (Var), qui souhaite parrainer le candidat à l’élection présidentielle  qui sera désigné à l’issue d’une consultation des habitants. Problème, les consultations locales ne sont pas faites pour cela, et en plus il ne respecte pas les procédures légales.

L’initiative d’une consultation locale appartient au seul conseil municipal

En l’état des informations rapportées par la presse, le maire a décidé seul d’organiser la consultation, alors que l’initiative d’une telle procédure appartient au seul conseil municipal : le Code général des collectivités territoriales prévoit que “l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale arrête le principe et les modalités d’organisation de la consultation”. En outre, il indique par avance qu’il se pliera au résultat du vote, alors qu’une consultation locale ne débouche que sur un avis de la population. Seul le référendum local, une procédure différente dont l’initiative appartient aussi au conseil municipal et pas au maire, est décisionnel, c’est-à-dire qu’il aboutit à un résultat auquel le maire doit se conformer.

Ajoutons que les deux procédures prévoient des conditions de délais : la consultation locale comme le référendum local nécessitent un délai minimal de deux mois pendant lequel le projet de votation doit être transmis au Préfet. Or le scrutin en deux tours est prévu les 29 janvier et 5 février : donc il aurait fallu s’y prendre dès le 29 novembre 2021 au plus tard.

Mais peu importe la procédure suivie, les deux sont illégales car elles ne permettent pas la mise en œuvre d’une votation pour déterminer le candidat à parrainer pour l’élection présidentielle.

La consultation des habitants d’une collectivité territoriale ne doit porter que sur une affaire locale

La consultation locale comme le référendum local, sont inscrits dans le Code général des collectivités territoriales au titre de la “participation des électeurs aux décisions locales”. Ainsi, les textes prévoient que cette participation doit porter, pour la consultation locale, sur des “décisions que les autorités de (la) collectivité envisagent de prendre pour régler les affaires relevant de la compétence de celle-ci”, autrement dit ce qu’on appelle les “affaires locales”. C’est également le cas pour le référendum local qui porte que “tout projet de délibération tendant à régler une affaire de la compétence de (la) collectivité”.

Or, le choix de parrainer ou de ne pas parrainer, tout comme le choix du candidat parrainé, constitue un pouvoir propre du maire, en tant qu’autorité désignée par la loi pour contribuer à la vie politique nationale (voyez nos explications sur les modalités du parrainage). Cela ne relève donc pas de ce qu’on peut appeler une “compétence” de la collectivité. En somme, le parrainage n’est pas une “décision locale” au sens du Code général des collectivités territoriales, mais une décision du maire dans le cadre d’une mission nationale. Il ne peut donc faire l’objet d’une consultation ou d’un référendum locaux. Il y a donc illégalité.

En plus d’être illégale, la consultation pourrait rendre le parrainage nul

Les parrainages – ou “présentations” si l’on souhaite utiliser un vocabulaire correct – sont déposés par les candidats au Conseil constitutionnel, qui doit valider la fameuse liste des cinq cents signatures, et donc vérifier la validité de ces dernières comme nous l’avions expliqué. Or,  selon le Conseil constitutionnel, le parrainage est “un acte personnel et volontaire, qui ne peut donner lieu ni à marchandage ni à rémunération”. En ce sens, le Conseil constitutionnel a mis en garde sur “le fait de tirer au sort le nom du candidat présenté en rendant ce geste public” qui “était incompatible avec la dignité qui sied aux opérations concourant à toute élection”. 

Une consultation locale ou un référendum local n’ont rien d’un marchandage, et ne sont pas des procédés indignes. De plus, le Conseil constitutionnel n’a pas à juger de la légalité de la procédure de consultation (ou de référendum) elle-même, cela n’entre pas dans sa mission. Mais il pourrait bien décider que le fait de recourir à cette consultation (ou ce référendum) rende le parrainage nul, en raison d’un mode de choix qui ne cadre pas avec l’esprit des textes régissant l’élection présidentielle. Il en résulterait toute une votation (avec le coût que cela représente) pour aboutir à une signature… qui ne sera pas prise en compte. 


Une lectrice, que nous remercions vivement, attire notre attention sur une disposition du Code des relations entre le public et l’administration : “Lorsque l’administration décide, en dehors des cas régis par des dispositions législatives ou réglementaires, d’associer le public à la conception d’une réforme ou à l’élaboration d’un projet ou d’un acte, elle rend publiques les modalités de cette procédure, met à disposition des personnes concernées les informations utiles, leur assure un délai raisonnable pour y participer et veille à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics.”

Le Conseil d’État a pu approuver de telles consultations : dans une affaire importante de 2017, il avait jugé qu’une nouvelle région regroupant Aquitaine et Midi-Pyrénées après la réforme de 2015 pouvait tout à fait consulter sa population par ce moyen, pour déterminer le nom de ce qui allait devenir l’Occitanie.

Assurément, il s’agit d’une alternative aux consultations et référendums que nous évoquons dans notre surlignage. Mais en l’occurrence, on rappelle que le maire consulte sa population pour une affaire qui ne relève pas du local, mais du national. De plus, le maire qui accorde son parrainage n’agit pas en tant qu’autorité administrative locale, mais en tant que citoyen désigné par la loi comme ayant une légitimité à intervenir dans le choix des candidats à l’élection présidentielle. Il ne prend aucun acte, il ne soumet aucun projet à qui que ce soit. C’est pourquoi nous croyons que l’article précédemment cité n’est pas applicable ici.

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