Philippe Ballard, conseiller régional, veut réinstaurer la primauté du droit national tout en restant au sein de l’Union européenne
Dernière modification : 4 juillet 2022
Auteur : Guillaume Baticle, master de droit public, Université de Picardie Jules Verne
Relecteurs : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay ; Vincent Couronne, chercheur en droit européen au centre de recherches VIP, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Yeni Daimallah
Source : Compte Twitter de Public Sénat, 21 mars 2022
Pour faire primer le droit national, modifier la Constitution ne suffit pas. Il faut quitter l’Union européenne ou la réformer (avec l’accord de tous les autres États), sinon des sanctions financières s’accumuleront sur la France pour non-respect du droit européen.
Philippe Ballard, conseiller régional Rassemblement National (RN) d’Île-de-France, déclare pouvoir faire en sorte que le a national devienne supérieur au droit européen, tout en maintenant la France au sein des organisations européennes. Contacté, l’élu répond aux Surligneurs que d’autres comme Michel Barnier ou des candidats comme Valérie Pécresse font des propositions “pas si éloignées”. Or, pour que le droit national prime sur le droit européen, il faut soit réformer l’Union européenne, soit la quitter, comme nous l’avons déjà expliqué.
Modifier notre Constitution ne changerait rien vis-à-vis de l’Union européenne
Selon Philippe Ballard, une simple modification de la Constitution, en particulier l’article 55 qui prévoit la primauté des traités sur les lois nationales, suffirait à renverser cette primauté. Mais la Constitution, à son article 88-1, prévoit également que le respect des normes européennes par la France est obligatoire. C’est d’ailleurs une exigence constitutionnelle depuis une décision du Conseil constitutionnel de 2004.
La modification de l’article 55 de la Constitution doit donc s’accompagner de celle de l’article 88-1 pour avoir un véritable effet. Ainsi, les juridictions nationales ne pourraient plus faire prévaloir le droit européen (et de façon générale le droit international) sur la loi nationale, alors qu’elles le font actuellement.
Faire prévaloir notre droit sur celui de l’Union nous contraindrait à en sortir
On ne peut cependant pas avoir le beurre et l’argent du beurre.
L’adhésion à l’Union s’accompagne de l’obligation d’appliquer ses règles dites “supranationales”, car elles ont précisément vocation à prévaloir sur le droit national. C’est le principe même des traités qui ont créé l’Union européenne, lesquels ne sont jamais qu’un contrat entre États. Or, un contrat se respecte. Les traités régissant l’Union européenne mettent en place ce qu’on appelle un ordre juridique autonome : des “lois” européennes (des directives, des règlements), et les traités eux-mêmes, tous ces textes primant sur la loi nationale, comme le martèle la Cour de justice de l’Union européenne depuis une décision de 1964, et comme l’ont reconnu les États membres en 2007 en signant unanimement une déclaration en ce sens.
Rester au sein de l’Union européenne sans faire primer les textes européens qui en découlent est incompatible en l’état du droit européen. De plus, cela ferait encourir de fortes amendes à la France, pour manquement à ses obligations européennes (comme c’est le cas en ce moment pour la Pologne, mais la France fut aussi condamnée, par exemple pour n’avoir pas appliqué les textes européens sur les OGM).
En somme, si la France ne veut pas accumuler les amendes, il lui faut soit convaincre les autres États de modifier les traités, soit sortir de l’Union.
Contacté par nos soins, Philippe Ballard fait savoir que sa proposition tend à « se mettre à l’abri des jurisprudences européennes sur lesquelles s’appuient le Conseil Constitutionnel ou Conseil d’État”, fustigeant au passage Valérie Pécresse, Eric Ciotti, et Michel Barnier, dont les analyses ne seraient “pas si éloignées” des siennes, mais qui pour autant n’auraient “rien fait quand ils étaient au pouvoir”. Selon Les Surligneurs, peu importe d’où vient la proposition : la remise en cause de la primauté européenne ne peut se faire que dans le cadre d’une négociation à 27, ou en sortant de l’Union européenne.
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