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#LegalCheck. Programme des Écologistes : “Prendre le contrôle des six entreprises pétro-gazières européennes les plus polluantes en rachetant 51% de leurs actions”

Création : 6 juin 2024

Autrice : Capucine Lemaire, master droit de l’Union européenne à l’Université de Lille

Relecteur : Christian Osorio Bernal, juriste et enseignant en droit des affaires européennes et internationales à l’Université de Lille

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle

Source : Programme des Écologistes pour les élections européennes

L’Union européenne n’est pas compétente pour prendre des parts dans des sociétés, mais elle peut toujours encourager les États à le faire.

Le programme écologiste pour les élections européennes de 2024 propose de “prendre le contrôle des six entreprises pétro-gazières européennes en rachetant 51% de leurs actions pour devenir majoritaire au capital“. Toutefois, le droit de l’Union européenne ne le permet pas.

En l’état, l’UE ne peut entrer dans le capital d’une entreprise

Les compétences de l’Union européenne sont clairement établies par les traités qui la régissent, et elles n’incluent pas le pouvoir d’acquérir des actions ou des parts d’entreprises. En d’autres termes, l’Union n’a pas pour rôle d’entrer dans le capital d’entreprises. Cependant, elle peut jouer un rôle important en coordonnant et en soutenant les politiques économiques des États membres dans des secteurs clés comme l’énergie par le biais de directives et de recommandations.

Mais l’UE peut aider les États à entrer dans le capital d’une entreprise

Selon les articles 5 et 6 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’Union peut “soutenir ou coordonner” les initiatives des États membres, mais sans pour autant empiéter sur leurs compétences. Cela signifie que, tout en respectant les prérogatives des États membres, l’Union peut aider à aligner leurs actions vers des “objectifs communs.” Un domaine où l’UE est particulièrement active est celui de la politique énergétique : l’article 194 du Traité sur le fonctionnement de l’UE lui permet de prendre des mesures pour garantir la sécurité énergétique de l’Union et de favoriser le développement des énergies renouvelables.

Quel serait le cadre juridique à respecter ?

L’article 345 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne garantit aux pays membres la liberté de “nationaliser” ou “privatiser” des entreprises indépendamment de l’Union, préservant ainsi leur souveraineté en matière de gestion de la propriété des entreprises. Cette flexibilité devient particulièrement pertinente en situation d’urgence climatique, où un État peut envisager des mesures exceptionnelles, comme la nationalisation partielle d’entreprises, pour stimuler la transition vers des énergies plus propres.

La politique environnementale de l’Union, encadrée par les articles 191 et 192, soutient ces initiatives en insistant sur la nécessité que les mesures prises soient “nécessaires et proportionnelles aux enjeux environnementaux.” Ces mesures doivent également viser à améliorer la qualité de l’environnement tout en minimisant les impacts négatifs sur le marché et les libertés individuelles.

La jurisprudence de la Cour de Justice renforce ces principes. Par exemple, dans une décision de 2005 (Commission contre Conseil), la Cour a affirmé “la nécessité de mesures législatives pour garantir l’efficacité de la législation environnementale de l’UE“. De même, dans une décision de 2006 (Commission contre Irlande), la Cour a examiné les mesures environnementales prises par un État membre, soulignant que “ces mesures doivent être justifiées, appropriées et proportionnelles aux objectifs de protection de l’environnement qu’elles cherchent à atteindre“.

Face à l’urgence climatique, l’Union a également souligné la gravité de la situation, ce qui pourrait justifier des mesures économiques drastiques comme l’acquisition de parts dans des entreprises énergétiques pour les pousser vers des alternatives renouvelables (résolution du Parlement européen de 2009). Cependant, de telles interventions doivent respecter les principes de non-discrimination et de libre circulation des capitaux et de l’établissement selon les articles 63 et 49.

Bien que les États aient la latitude d’ajuster la propriété des entreprises pour répondre à des défis environnementaux, toute action entreprise doit être méticuleusement justifiée et conforme aux “normes du marché et à l’équité”, conformément aux règles sur les aides d’État (articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). Cette interconnexion entre les différentes régulations offre un cadre légal possible pour des interventions étatiques dans l’économie, alignées sur les objectifs environnementaux globaux de l’Union européenne… à condition toutefois que l’urgence climatique reste un des objectifs de l’Union après les élections européennes.

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