Manassas, CC 3.0

Le Maire de Villeneuve-le-Roi refuse un chèque de Noël à la famille d’un émeutier et se justifie dans l’émission TPMP.

Création : 10 janvier 2024
Dernière modification : 11 janvier 2024

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Relectrice : Isabelle Muller-Quoy, maître de conférence en droit public, Université de Picardie Jules Verne

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle

Source : TPMP, 9 janvier 2024

Une aide financière municipale créée en faveur de certains habitants de la commune repose forcément sur des critères. Si la famille du délinquant répondait à ces critères, le refus du maire de lui accorder cette aide est illégal, surtout lorsqu’il refuse en fonction de critères qu’il crée lui-même en dehors de tout texte.

Didier Gonzales, maire de Villeneuve-le-Roi dans le Val-de-Marne, a expliqué dans l’émission TPMP sur C8  pourquoi il avait refusé d’attribuer à une famille en particulier une aide communale de noël de 60 euros : le fils, de 19 ans, avait participé aux émeutes de juin 2023, contribuant à incendier plusieurs édifices municipaux, ce qui lui avait valu une condamnation à douze mois d’emprisonnement avec sursis.
Malgré nos demandes auprès de la mairie, nous n’avons pas eu accès à la délibération municipale ayant instauré cette aide sociale. Mais bien que cette aide soit “facultative” comme l’indique le maire, il ne pouvait la refuser sans fondement légal.

Une aide “facultative”… 
Didier Gonzales insiste : la mairie a créé cette aide “facultative” au sens juridique du terme : cette aide ne résulte donc pas d’une loi, comme c’est le cas par exemple du revenu de solidarité active (RSA), mais d’une délibération municipale. Mais comme pour toutes les aides à caractère sociale, cette délibération comporte un barème (ici, en fonction du nombre de personnes constituant le foyer), des conditions de ressources, des conditions de résidence, et une procédure de demande. Sur le fondement de cette délibération, toute personne répondant aux conditions et se soumettant à la procédure était donc en droit d’obtenir cette aide.
En l’occurrence, la famille du délinquant incendiaire semble avoir établi sa demande dans les formes, et comme il l’explique au journal Le Parisien, le maire a reçu la famille pour lui signifier le refus en raison de la condamnation.

Aide facultative mais pas “à la tête du client”
Une fois qu’une commune décide de créer une aide sociale et alors même que la loi ne l’y oblige pas, elle reste soumise au principe de légalité et à celui d’égalité. Cela signifie : 1/ que les octrois ou les refus ne peuvent être fondés que sur les critères établis par la délibération municipale ayant créé l’aide ; 2/ que toute personne répondant à ces critères doit pouvoir obtenir cette aide.
En l’occurrence, il ne semble pas que la délibération municipale créant l’aide ait expressément exclu les familles dont un des membres a commis un délit : ce serait de toutes manières illégal car cela sanctionnerait toute une famille pour les délits d’un seul membre. L’aide financière reposait donc sur des critères classiques énoncés plus haut, et le maire ne pouvait le refuser que sur le fondement d’un de ces critères. Si la famille en question répondait aux critères fixés par la délibération, cela signifie que le maire, en refusant, l’aide financière, a créé une discrimination illégale.
Entendons-nous bien : il ne s’agit pas en l’occurrence de légitimer le comportement d’une famille ou d’un de ses membres, au demeurant condamné par la justice.  Mais inversement, une autorité publique ne peut, dans un Etat de droit, créer des règles “spontanées” d’octroi d’une aide selon son bon vouloir, en dehors de tout texte, et vanter ensuite sa politique dans les médias.  En droit, cela s’appelle aussi de l’arbitraire.

Contacté, le maire de Villeneuve-le-Roi n’a pas répondu à nos sollicitations.

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