Crédits photo : Benoît Prieur, CC0 (Domaine Public)

Influenceuse Erellux : “Ils ont commencé à virer les étudiants des Crous pour les JO !”

Création : 24 avril 2024
Dernière modification : 26 avril 2024

Auteur : Samuel Prévost, étudiant en master Droit et Action Publique à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye

Relecteur : Jean-paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier

Source : Compte Instagram de Révolution Permanente, 11 avril 2024

Le droit ne permet pas, en l’état, de “virer” un étudiant de son logement Crous avant le 30 juin pour loger des athlètes ou personnels liés aux JO. Les étudiants concernés ont été questionnés en amont et ceux qui ont accepté de partir dès le mois d’avril ont obtenu des compensations.

Dans une vidéo publiée sur le compte Instagram “Révolution permanente”, l’influenceuse “Erellux” dénonce avec vigueur les conditions de vie des étudiants, en particulier depuis l’annonce des mises à disposition de logements Crous en vue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris (JOP).

Vous savez les amis qu’en ce moment même il y a des étudiants qui sont en train de se faire virer de leur logement par l’État.” Elle explique ainsi que l’État aurait commencé à réquisitionner certains logements étudiants des Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) en vue des Jeux olympiques. Elle continue en évoquant des étudiants sans domicile fixe, établissant ainsi un lien inexact entre les étudiants sans logement et ceux qui, étant logés actuellement, seront dépossédés de leur logement par l’État pendant la période des JOP 2024, et pour la plupart relogés.

Reste qu’en droit, et indépendamment de la question de la précarité étudiante en France, personne ne peut être “viré“, et que personne ne l’a été.

Une opération légale selon le juge

Le réseau des Crous “contribue à assurer une qualité d’accueil et de vie propice à la réussite de leur parcours” (des étudiants) selon l’article L.822-1 du code de l’éducation. Selon l’article L.631-12 du code de la construction et de l’habitation, “le contrat de location a une durée maximale d’un an. Il peut être renouvelé dès lors que l’occupant continue à remplir les conditions précisées au présent article.” Une loi du 21 février 2022 a ajouté un article selon lequel “par dérogation (…) le gestionnaire d’une résidence universitaire qui n’est pas totalement occupée après le 31 décembre de chaque année peut louer les locaux inoccupés pour des séjours d’une durée inférieure à trois mois s’achevant au plus tard le 1er octobre de l’année suivante, particulièrement à des publics reconnus prioritaires par l’État.

Le Conseil d’État, dans sa décision du 29 décembre 2023, en déduit deux conséquences : d’abord, les Crous peuvent tout à fait accorder des contrats de location qui prennent fin le 30 juin, car cela correspond en règle générale à la fin de l’année universitaire. Ensuite, ces textes ne s’opposent pas à ce que les logements des Crous soient loués à l’État pour y loger des personnels mobilisés pour les JOP de 2024.

Des relogements amiables

Le Crous de Paris, lors de sa délibération du 6 novembre 2023, a prévu l’organisation du relogement des étudiants concernés, en garantissant un autre logement en juillet et en août à tous les étudiants qui le souhaitaient, dans une autre résidence. Cet engagement sera d’autant plus facile à respecter que la plupart des étudiants quittent leurs logements étudiants durant cette période.

De plus, le Crous de Paris avait effectué une enquête en amont auprès des étudiants pour que leur nouveau logement estival soit, le cas échéant, géographiquement proche de leur logement actuel ou de “leurs centres d’intérêts durant l’été.” Pour finir, le Crous de Paris a également réaffirmé que l’étudiant lésé par la situation olympique se verra octroyer le renouvellement automatique de son titre d’occupation pour l’année universitaire 2024-2025.

Aucun étudiant “viré

L’influenceuse Erellux affirme également dans sa vidéo que des étudiants ont déjà commencé à être “virés“, donc avant le 30 juin, alors qu’on est en période de révision et d’examens. Or, les textes ne permettent aucun relogement forcé avant le 30 juin, sauf si l’étudiant concerné est d’accord, et c’est toute la démarche entamée par le Crous de Paris.

C’est donc au cas par cas, après entente entre le Crous et l’étudiant concerné, que depuis le 11 avril en effet, ont eu lieu les premiers déménagements, avec comme promis par l’organisme, un soutien matériel et administratif (cartons, scotch à disposition, camions de déménagement, personnel, adaptation du dossier locatif). Le communiqué de presse du 11 avril 2024 du Crous de Paris, envoyé directement aux Surligneurs, indiquait également que d’autres dates de déménagement seraient proposées aux étudiants avant le 30 juin.

Contactée, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), confirmait le fait que les étudiants avaient demandé et accepté ce relogement précoce.

En somme, et à moins que l’influenceuse Erellux détienne des informations que nous n’avons pas, tous ces déménagements se déroulent de manière “contractuelle“, après entente entre le Crous et les étudiants pour aménager leur contrat de location, sans mise en œuvre d’expulsions ou autres mesures de contrainte. Comme l’indique la même délibération (troisième visa), le Crous agit sur une “demande” du délégué interministériel aux JOP à la présidente du Cnous d’assurer “dans la mesure des possibilités offertes par le niveau global des vacances des logements“, de contribuer à la bonne organisation des Jeux en “étudiant tout moyen de mettre des résidences universitaires à la disposition de l’État.”

Dans ce contexte juridique, “virer” un étudiant pour loger des personnes liées aux JO aurait été parfaitement illégal.

 

Précision (26 avril 2024, 17h00). Un lecteur fidèle, que nous remercions vivement, nous objecte que “ce n’est pas la légalité mais la légitimité de ces réquisitions qui est attaquée” dans la vidéo en cause.  Nous serions donc “hors-sujet” au regard de la vidéo, floutée depuis par Meta. Nous n’avons pas porté de jugement, ni dans un sens, ni dans l’autre, sur des arrangements entre les CROUS et certains étudiants, car c’est là que nous aurions été hors-sujet par rapport à notre ligne éditoriale. Erellux, dans sa vidéo et son titre, utilise des mots qui ont un sens et qui sont destinés à marquer : “virer”, c’est de l’unilatéral, de l’exécution forcée, en somme une expulsion. C’est faux en droit comme en fait. D’où notre surlignage.

 

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