Selon le maire de Lyon : “il n’appartient pas au maire […] de mettre un couvre-feu” (sic)

Création : 3 juillet 2023

Auteur : Guillaume Baticle, master de droit public, Université de Picardie Jules Verne

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay 

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani

Source : Actu Lyon, 1er juillet 2023

Dans un contexte de fortes violences urbaines, qui font suite au décès d’un jeune homme abattu par un policier, le maire de Lyon, Grégory Doucet, s’est exprimé sur l’instauration ou non d’un couvre-feu. L’élu écologiste refuse de mettre en place une telle mesure, arguant que cela relève de la responsabilité de l’État. Ce n’est pas tout à fait vrai.

Pour endiguer les émeutes qui sévissent partout en France, des couvre-feux ont été “instaurés” (c’est le terme adéquat : on ne “met” pas un couvre-feu, on l’instaure). Une telle mesure relève de la police administrative, qui a pour vocation de prévenir les atteintes à l’ordre public. L’ordre public vise la sûreté, la salubrité et la tranquillité publiques. Se sont ajoutés d’autres objectifs comme la  moralité publique (Conseil d’État,18 décembre 1959) et de respect de la dignité de la personne humaine (Conseil d’État, 27 octobre 1995).

C’est en principe au maire de prendre les mesures de restauration de l’ordre public

Selon le Code général des collectivités territoriales, les mesures de police, dont le couvre-feu, doivent en principe être prises par le maire. Toutefois, si, face à un trouble ou une menace de trouble à l’ordre public, le maire ne prend aucune mesure malgré les demandes du préfet, celui-ci est compétent pour agir en lieu et place du maire, et peut donc instaurer un couvre-feu. Le maire peut également déléguer ses pouvoirs de police à ses adjoints, mais en aucun cas il ne peut les transférer à une personne privée, comme une entreprise, une association, ou un groupe de citoyens. Le Conseil d’État a jugé en ce sens dès le 29 janvier 1932. Il n’est donc pas question de créer des milices privées chargées de surveiller les biens publics ou privés, comme ont voulu le faire certains maires.

Les couvre-feux déjà en vigueur en France ont pour l’instant tous été instaurés par les maires : c’est le cas à Tourcoing, Béthune ou encore Amiens.

L’exception de la Ville de Paris

Dans la capitale, le pouvoir de police administrative générale est principalement entre les mains du préfet de police. C’est donc lui qui est seul compétent pour décider s’il y a lieu d’instaurer un couvre-feu. Le maire de Paris a quelques compétences de police administrative en matière de salubrité sur la voie publique, de bruits de voisinage et de maintien du bon ordre sur les foires et marchés, entre autres. Mais face aux troubles majeurs, le préfet de police garde la haute main.

Le couvre-feu étant une mesure très restrictive des libertés fondamentales, dont celle d’aller et venir, les maires renvoient la responsabilité politique de prendre une telle mesure à l’État. D’autant que l’instauration d’un couvre-feu suppose des moyens de police pour le faire respecter. C’est vraisemblablement ce qui a animé le maire de Lyon.

Contactée, la mairie de Lyon n’a pas répondu aux Surligneurs.

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