Crédits photo : Foundations World Economic Forum (CC 2.0)

Selon Emmanuel Macron, “l’éducation fait partie du domaine réservé du président”

Création : 30 août 2023
Dernière modification : 29 août 2023

Auteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, Université de Poitiers

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani 

Source : Le Point, 23 août 2023

La déclaration du chef de l’État, selon lequel “l’éducation fait partie du domaine réservé du président”, ne trouve aucun fondement dans la Constitution de 1958. Loin d’être une prérogative présidentielle, l’éducation relève de la compétence du ministre de l’Éducation et de la Jeunesse, sous l’autorité de la Première ministre et sous le contrôle du Parlement.

En tenant de tels propos, le Président de la République entendait souligner l’importance qu’il accorde à l’école, tout en rappelant la place centrale qu’il estime devoir occuper dans le fonctionnement politique de la Ve République. Son élection à deux reprises au suffrage universel direct lui permettrait de disposer d’un pouvoir général d’évocation (autrement dit d’appropriation) de tous les sujets d’intérêt général. Dans ses programmes politiques de 2017 et 2022, son engagement à mener des réformes importantes en matière d’éducation l’autoriserait à considérer ce domaine comme lui étant “réservé”. 

Domaine réservé ? Quel domaine réservé ? 

D’un point de vue juridique, toutefois, une telle analyse témoigne d’une conception de la fonction présidentielle très éloignée de la lettre du texte constitutionnel. En effet, si la Constitution de 1958 attribue au Président de la République un certain nombre de compétences comme la promulgation des lois ou la nomination de certains hauts fonctionnaires, elle n’évoque nulle part l’existence d’un “domaine réservé”. Certes, l’expression est loin d’être inconnue. En 1959, suivant une lecture qu’il récusera par la suite, Jacques Chaban-Delmas, alors président de l’Assemblée nationale, évoquait l’existence d’un tel domaine. À sa suite, les présidents de la République successifs ont convoqué l’expression dans l’optique de défendre une interprétation extensive de leur champ de compétence. Pour autant, aucune des attributions du Président de la République ne relève formellement d’un “domaine réservé” qui serait établi et délimité par la Constitution. 

En tout état de cause, quand bien même l’existence d’un tel domaine serait admise dans le silence de la Constitution, celui-ci ne saurait couvrir l’éducation. Traditionnellement,  les défenseurs de l’expression considèrent que seules les affaires étrangères et la défense nationale relèveraient du domaine réservé du Président de la République. Dans ces matières, le chef de l’État disposerait en effet de compétences qu’il serait en mesure d’exercer seul : direction des armées, emploi de la force nucléaire… 

L’éducation relève du gouvernement et du Parlement

Tel n’est assurément pas le cas du domaine de l’éducation. Aux termes de l’article 34 de la Constitution, c’est au Parlement qu’il revient de déterminer “les principes fondamentaux […] de l’enseignement” et c’est sous son contrôle que le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation (article 20). Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, exerce ses fonctions sous l’autorité de la Première ministre qui dirige l’action du Gouvernement (article 21). Quant à cette dernière, et contrairement à une opinion répandue, elle ne se trouve pas dans une position de subordination hiérarchique à l’égard du Président de la République. Tant et si bien que si c’est bien lui qui la nomme (article 8), en l’absence de renversement par l’Assemblée nationale il ne peut la forcer à démissionner (article 49). 

À la lumière du texte fondamental, rien n’autorise donc le Président de la République à considérer que l’éducation relève d’un domaine réservé au chef de l’État. Celle-ci relève pleinement, au contraire, de la compétence du Gouvernement et du Parlement. 

Contactée, l’Elysée n’a pas exercé son droit de réponse.

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