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Robert Ménard : “Aujourd’hui, quand vous avez moins de 13 ans vous ne risquez rien”

Création : 9 avril 2024

Autrice : Marie Fauthoux, master 2 droit pénal et politiques criminelles, Université Paris-Nanterre, le 5 avril 2024

Relectrice : Audrey Darsonville, professeure de droit pénal, Université Paris-Nanterre

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle

Source : Cnews, La Matinale, 2 avril 2024, 123’

L’existence d’un régime pénal différencié pour les mineurs de moins de treize ans n’implique pas une absence totale de réponse face à un acte délinquant. Le droit pénal s’adapte simplement à l’âge de la personne concernée.

Intervenu dans l’émission La Matinale sur Cnews le 2 avril 2024, le maire de Béziers, Robert Ménard, s’est exprimé sur l’insécurité en France. Interrogé sur un sondage affirmant que “82% des français sont d’accord pour parler d’ensauvagement”, il considère que cette opinion est en partie liée à l’absence de prise en charge pénale des mineurs délinquants âgés de moins de treize ans. Les mineurs bénéficient effectivement d’un régime spécial, différent de celui des majeurs. Cependant, affirmer que les mineurs ne risquent rien est exagéré, et ce, pour trois raisons.

L’âge crée une présomption de non-discernement, mais qui n’est pas absolue

Pour qu’une personne soit déclarée pénalement responsable de ses actes, il faut qu’elle dispose de tout son discernement au moment des faits (article 122-1 du code pénal), ce qui n’est pas le cas par exemple d’un très jeune mineur. Pour appréhender le discernement, deux éléments sont pris en compte : la capacité à comprendre l’acte commis (Cour de cassation, 13 décembre 1956), et la faculté à comprendre le sens de la procédure à laquelle le mineur sera soumis (article L. 11-1 al 3 du Code de la justice pénale des mineurs, CJPM). 

Selon l’article L. 11-1 du CJPM, “Les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d’au moins treize ans sont présumés être capables de discernement”. Ainsi, la loi oblige le juge à présumer que les mineurs âgés de moins de treize ans ne sont pas capables de discernement, ce qui empêche les poursuites pénales à leur encontre.

Cependant, cette présomption est dite réfragable, c’est-à-dire qu’il est possible de prouver que le mineur savait très bien ce qu’il faisait. Et dans ce cas, il est possible d’engager la responsabilité pénale du mineur, même âgé de moins de 13 ans. 

L’âge n’est donc pas le seul paramètre déterminant permettant d’établir le discernement du mineur. L’analyse repose sur un faisceau d’indices relatifs à l’entourage familial, au milieu scolaire, ou encore aux circonstances d’espèces, et au besoin une expertise sera ordonnée (article R. 11-1 CJPM). 

Avoir moins de treize ans n’interdit pas de faire l’objet d’une enquête

L’implication de mineurs âgés de moins de treize ans dans la commission d’infractions ne freine pas totalement les autorités dans leurs investigations. En effet, si le régime pour les mineurs est différent, il n’en demeure pas moins que des actes d’enquête contraignants sont prévus.

Si la garde à vue n’est possible que pour les mineurs de plus de treize ans, (article L. 413-6 CJPM),  les mineurs entre dix et treize ans peuvent être soumis à une mesure équivalente. Il s’agit de ce qu’on appelle la retenue (article L. 413-1 CJPM) par laquelle le mineur reste à disposition des enquêteurs sur une durée qui ne peut excéder douze heures. Cette mesure s’applique toutefois “à titre exceptionnel” selon la loi, pour les infractions punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement. Les objectifs permettant l’application de la retenue sont les mêmes que pour la garde à vue (article 62-2 du code de procédure pénale). Autre similarité avec la garde à vue, la retenue peut être prolongée, à titre exceptionnel et sur décision motivée du procureur de la république ou du juge d’instruction. Ainsi, le mineur entre dix et treize ans peut être temporairement privé de liberté pendant l’enquête.

Une exclusion des peines au profit des mesures éducatives 

Les peines prévues par le code pénal ne sont applicables qu’aux mineurs de plus de treize ans (article L. 11-4 CJPM). Cependant, des mesures éducatives sont prévues pour les mineurs en dessous de cet âge qui seraient considérés comme discernants et donc susceptibles de faire l’objet de poursuites pénales. Ces mesures sont de deux natures (article L. 111-1 CJPM). D’une part, l’avertissement judiciaire, mesure non coercitive qui a vocation à rappeler à l’ordre le mineur. D’autre part, la mesure éducative judiciaire qui vise “la protection, l’assistance, l’éducation, l’insertion et l’accès au soin du mineur” (article L. 112-1 CJPM). Cette mesure se caractérise par différents modules (placement, santé, réparation, insertion) qui peuvent impliquer notamment le placement dans un centre médico-social (article L. 112-11 CJPM). Pour les mineurs âgés d’au moins dix ans, d’autres mesures sont possibles comme l’obligation de suivre un stage de formation civique (article L. 112-2 al 9 CJPM).

Durcir l’arsenal pénal contre les mineurs de moins de treize ?

Bien sûr, il est toujours possible, comme Robert Ménard, de considérer que les mesures éducatives prévues à l’encontre des mineurs de moins de treize, ce n’est “rien” au regard des peines qu’ils encourraient s’ils étaient soumis à la justice des plus de treize ans, même si les obligations pesant sur les mineurs ne sont pas anodines. En revanche, soumettre les mineurs à la justice pénale de droit commun heurterait le principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR), dégagé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 août 2002, qui impose une justice pénale spéciale pour les mineurs et une atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge.

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