Rentrée des classes : est-ce légal de bloquer son lycée ou son université ?

Création : 1 janvier 2024
Dernière modification : 30 décembre 2023

Republication d’un article du 14 août 2023

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle

Les blocages de lycées sont des délits passibles d’emprisonnement, et ceux des universités des atteintes à l’ordre public passibles de sanctions disciplinaires. Ces peines et sanctions ne sont à notre connaissance jamais appliquées aux élèves ni aux étudiants.

Après les fêtes de fin d’année, lycéens et étudiants reprennent le chemin des cours. Compte tenu des mouvements sociaux à venir, le retour des blocages des lycées et des universités est à prévoir. Mais est-ce légal et que risquent les bloqueurs ?

En mars dernier, le député LFI Louis Boyard avait lancé le “blocus challenge” en pleine grève contre la réforme des retraites. Apparemment bon enfant, cette vidéo montrait ni plus ni moins un député qui appelait à commettre, au pire, des délits, au mieux, des atteintes aux libertés. Voilà qui n’est pas banal.

BLOQUER UN LYCEÉ : ATTENTION, DELIT

S’agissant d’abord des lycées, le Code pénal est très clair : “Le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement scolaire sans y être habilité  (…) ou y avoir été autorisé (…), dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement, est puni d’un an d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende”. Il est vrai que ces peines n’ont jamais été appliquées à l’encontre d’élèves.

Mais c’est tout de même, de la part d’un député, un appel au délit.

BLOQUER UNE UNIVERSITÉ : ATTENTION, SANCTION DISCIPLINAIRE

S’agissant des universités, il n’existe pas de texte similaire, ce qui ne signifie pas que les blocages sont légaux. D’abord, le Code de l’éducation prévoit que “Les usagers du service public de l’enseignement supérieur (…) disposent de la liberté d’information et d’expression à l’égard des problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels. Ils exercent cette liberté (…) dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux activités d’enseignement et de recherche et qui ne troublent pas l’ordre public”. Le même Code ajoute que des sanctions disciplinaires sont applicables, allant jusqu’à l’exclusion. Ces sanctions sont infligées par la section disciplinaire, notamment en raison de “tout fait de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’université“.

LE PRÉSIDENT D’UNIVERSITÉ BIEN IMPUISSANT

Il appartient au président de l’université, autorité de police, de faire appel au besoin aux forces de l’ordre pour mettre fin au blocage, et pas d’expulser à coups de poings les bloqueurs comme l’avait osé un enseignant de Montpellier qui a été sanctionné depuis. Surtout, il appartient au président d’assurer la possibilité pour les étudiants qui le souhaitent d’étudier en toute quiétude.

Pour autant, le juge a toujours reconnu aux autorités de police une certaine marge de manœuvre dans le choix de faire donner la force ou pas, dès lors que le remède (la force) peut parfois être pire que le mal (le blocage). Il en résulte que chaque fois que des étudiants demandent au président de leur université de faire évacuer les bloqueurs afin notamment de pouvoir passer leurs examens, ce dernier refuse par crainte d’envenimer la situation, et temporise. Parfois, se défaussant, il demande au juge administratif d’ordonner l’évacuation, et il appartiendra ensuite aux forces de l’ordre de faire exécuter le jugement… à moins qu’elles temporisent pour les mêmes raisons que le président.

Alors certains étudiants désireux d’étudier en sont venus à saisir directement le juge pour demander le déblocage de leur université. Ainsi, à Toulouse par exemple, le juge a ordonné en urgence au président de “prendre toutes mesures utiles particulièrement à la poursuite de l’ensemble des enseignements dans les conditions propices à une préparation efficace des examens”, et ainsi de rétablir la liberté d’accès aux locaux universitaires (Tribunal administratif de Toulouse, 13 avril 2006). Problème : ce n’est pas le juge qui va venir évacuer les bloqueurs, mais bien le président aidé des forces de l’ordre, lesquels temporiseront… jusqu’au déblocage spontané.

Quant aux étudiants sanctionnés pour atteinte à l’ordre public au sein de l’université, on n’en connaît pas d’exemple. Reste que, sanction ou pas, on avait bien un député qui appelait à violer la loi.

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