Recension : Dans la peau des criminels

Crédits Photo : Kusakabe Kimbei (Domaine public)
Création : 24 octobre 2023
Dernière modification : 26 octobre 2023

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani

Dans la peau des criminels. Ce qui se cache derrière les tatouages de criminels, par Benoît Le Dévédec et Arno Ksr, Enrick B Éditions, 2022

Un beau livre de droit, mais pas seulement de droit : une encyclopédie du tatouage dans les prisons, les gangs et autres mafias. 

Un doctorant en droit se spécialisant dans les modifications corporelles et un artiste tatoueur s’unissent pour nous offrir dans ce beau livre une histoire et une sociologie du tatouage depuis l’antiquité, entrecoupée d’analyses juridiques, avant d’en venir au sujet : les liens entre tatouage et criminalité. 

Il faut remonter à l’ancien testament pour comprendre : le Lévitique, troisième des cinq livres composant la Torah (ou Pentateuque), interdit formellement incisions et figures ou marques sur la chair. Le Coran condamne aussi ceux qui “altèreront” la création de Dieu. Dès lors, le tatouage apparaît comme une transgression et le lien avec la violence criminelle se forge ainsi.

Pourquoi ce choix du tatouage carcéral ? Parce qu’il a longtemps fait figure de tradition nous apprennent les auteurs, en particulier au XVIIIe siècle, tradition scrutée par certains scientifiques afin de tenter d’établir un lien entre cette pratique et le fait de se retrouver en prison. Lien finalement loin d’être évident, y compris chez les femmes tatouées qu’on a très longtemps accusées d’être plus enclines à la prostitution.

Le tatouage comme outil de connivence entre détenus, outil d’identification par la police, outil de réinsertion même, après nous avoir fait visiter les salons de tatouages carcéraux, les auteurs nous emmènent dans les prisons russes des XIXe et XXe siècles, où l’ambiance nettement plus dure à tous points de vue a donné naissance à des tatouages marquant une hiérarchie entre prisonniers. Puis nous sommes transportés dans la mafia japonaise, dans les gangs latino-américains et leurs codes se retrouvant dans leurs tatouages. 

Des analyses juridiques plus ou moins fouillées pointent régulièrement au détour d’une page, avec des encadrés sur des jurisprudences insolites, comme le cas de cet élève surveillant de prison recalé car il portait un tatouage nazi. Des questions de droit soulevées et auxquelles on ne pense pas forcément : tatouage et droits d’auteur, tatouage et discrimination au travail, tatouage et droit à l’image, ou encore… peut-on vendre une peau tatouée ? 

Largement illustré de belles planches représentant des tatouages, une riche bibliographie pour approfondir, ou comment allier esthétique, histoire et droit.

Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.