Lecture : Star Trek, l’exégèse…

Création : 23 octobre 2023

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Pour tous ceux qui sans le savoir regardaient du droit à la télévision et au cinéma, et avant parfois d’en faire eux-mêmes, voici une relecture juridique de Star Trek parsemée de souvenirs de jeunesse !

Une recension de : Le droit selon Star Trek, par Fabrice Defferrard, éd. Mare & Martin, 2015

L’ouvrage de Fabrice Defferrard ne vient pas de sortir, mais il reste à jour s’agissant d’une série qui a plusieurs décennies… Il est toujours temps d’y découvrir comment cette série culte des années 1960-70, suivie de plusieurs films dérivés, s’est construite autour d’un système juridique qui lui a servi d’étendard dans un contexte où les États-Unis s’érigeaient en leader des pays démocratiques contre l’obscurantisme censé régner à l’Est.

Aux plus jeunes, rappelons que la série Star Trek porte sur l’aventure d’une mission spatiale parcourant l’univers sur plus de 160 épisodes et longs-métrages, au nom de la Fédération des Planètes Unies, une union fondée en 2154 entre 150 planètes auxquelles s’ajoutent les colonies et autres entités, avec autant d’espèces de vies différentes. Le vaisseau USS Enterprise (dans les premiers épisodes), commandé par le capitaine Kirk, mène la starfleet dans cet univers, à la poursuite de missions diplomatiques et d’exploration à des fins scientifiques, mais aussi de défense face à un Empire Terrien (parce que fondé sur Terre), autoritaire et asservissant d’autres espèces.

Une “utopie sociale” et son architecture juridique

Cette “utopie sociale” selon l’auteur, où même l’argent a disparu, fut créée en 1966 dans une époque d’abondance et de confiance aveugle en la science. La Fédération des Planètes Unies repose sur un pouvoir législatif basé à San Francisco et un exécutif élu qui siège à Paris, mais, comme le relève l’auteur, pas sur un pouvoir judiciaire apparent. Cette Fédération prône et applique toutefois certains droits et principes fondamentaux, au premier rang – normatif – desquels figure la “Charte de la Fédération des Planètes Unies” réaffirmant son “attachement (…) aux droits fondamentaux des êtres dotés de conscience, à la dignité (…), à l’égalité (au) respect de la justice (…) et à la promotion du progrès social…”.

Parmi les éléments de droit dérivé de cette Charte, la “Directive première” (suivie de vingt-cinq autres), règle éthique qui guide et régit la starfleet à travers l’univers, et que le capitaine applique à lui-même et à son équipage. Cette directive n’était qu’en projet au moment de la première saison (la plus connue), mais ses préceptes étaient déjà prégnants, notamment le principe de non-ingérence, créant à la fois des obligations positives et négatives tendant à la protection de la vie, à l’égalité des droits, à la protection des libertés.

C’est ainsi que s’appliquent une règle d’égalité hommes-femmes (sans quotas toutefois), ou encore le principe de non-discrimination en raison des origines : un équipage qui représente les cinq continents et même une autre planète, Vulcain, et au détour d’un épisode un capitaine blanc qui embrasse une membre d’équipage noire… dans les années 1960 !

Et l’auteur de décrypter – syllogismes à l’appui – la manière dont cette directive s’applique concrètement dans chaque épisode, notamment à travers des règles du procès telles que le droit de la défense, le contradictoire, la présomption d’innocence, la légalité des crimes et délits, et même le principe de personnalité des peines

Ainsi Fabrice Defferrard entreprend-il d’expliquer à l’aide de nombreux exemples, cette construction juridique, télévisuelle et cinématographique, opérant des rapprochements incontestables avec le droit international, notamment la Charte des Nations-Unies de 1945 et les autres grands principes liés à l’État de droit et à la démocratie. Il n’y manquait que Les Surligneurs !

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