Où va se nicher la fiscalité ?

Création : 22 octobre 2023

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng

La France est le pays inventeur de la TVA dans les années 1954 par Maurice Lauré : c’est notre produit – fiscal – le plus exporté de tous les temps. Mais la France a créé d’autres impôts insoupçonnés, sur lesquels on affirme souvent n’importe quoi. C’est parti pour un quiz fiscal.

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Question 1/4

Les “frais de notaires”, qui peuvent atteindre 8 ou 9 % sur le prix lors des ventes immobilières, représentent en réalité :

  • A : Pour la plus grosse partie un impôt
  • B : La rémunération du notaire
  • C : La rémunération du notaire et des intermédiaires comme les agences immobilières
  • D : Ces frais sont illégaux, vous vous avez été escroqué(e) en achetant votre appartement

Réponse A

L’appellation “frais de notaire” est trompeuse. Elle arrange bien l’État qui masque ainsi un prélèvement fiscal important sur chaque vente immobilière (s’agissant de l’immobilier ancien et non du neuf). C’est pourquoi il vaut mieux parler de “droits de mutation”, la mutation étant le passage d’un bien d’un patrimoine à un autre, en l’occurrence par une vente. 

Ces droits de mutation se composent d’abord d’une “taxe sur la publicité foncière”, dont les taux sont variables. Pour les acquisitions d’immeubles anciens, la commune prend 1.20 % sur le prix de vente (Code général des impôts, CGI, article 1584), le département entre 1.20 et 4.5 % selon ce qu’en décide le conseil départemental (CGI, article 1594 D), et à cela s’ajoutent les frais de recouvrement (la machinerie fiscale qu’il faut bien financer aussi) de 2.37 %. Dans certains cas, notamment pour encourager certaines opérations, les communes et départements peuvent décider de diminuer leurs taux respectifs.

Une “contribution de sécurité immobilière” (CGI, article 879) s’ajoute, et consiste en des sommes forfaitaires (8 ou 15 euros par document officiel lié à la vente). Elle bénéficie à l’État.

Le notaire, quant à lui, ajoute ses propres frais de dossier (dits “frais et débours”), qui sont variables : certaines ventes supposent plus de formalités que d’autres, par exemple lorsqu’il faut consulter le cadastre pour vérifier les limites d’une propriété. Cela n’inclut pas la rémunération du notaire, appelée “émoluments”. Ces dernier consistent en un pourcentage du prix de vente, fixé par arrêté ministériel (Code de commerce, article A. 444-163-1). Le taux est de 0.799 % lorsque le prix de vente dépasse 60 000 euros. À noter que le notaire peut consentir une remise en cas de montant important.

Enfin, les frais d’agence immobilière, qui ne sont pas des impôts mais une commission, sont dus en marge des frais de notaire.

Question 2/4

L’argent des amendes liées aux contrôles radar automatique et autres amendes routières est destiné à :

  • A : Financer le frais de campagne des candidats à l’élection présidentielle
  • B : Payer des becquets arrière, jantes alu et housses de volants en cuir pour les voitures de police
  • C : Financer des équipements médicaux et désendetter l’État
  • D : Financer les JO 2024

Réponse  C,  mais pas seulement

Face à toutes les hypothèses farfelues qui circulent sur la destination de l’argent des amendes liées aux notamment aux radars automatiques, il a été décidé d’inscrire cette recette dans un “compte d’affectation spéciale” de l’État (CAS). Il s’agit d’un compte distinct des autres ressources et dépenses publiques, qui permet d’identifier les recettes et leur affectation (autrement dit ce à quoi elles servent). La Cour des comptes analyse chaque année l’utilisation de ces recettes : pour 2022, la Cour recense 1.874 milliard d’euros entrés dans les caisses de l’État, qu’il s’agisse d’amendes routières, par radar ou non, majorées (car non payées à temps) et non majorées. 

Sur cette somme globale, un graphique figurant en annexe de la loi de finances montre, chaque année, la répartition dans le détail. Pour 2022, cette répartition, revue par la Cour des comptes, est la suivante : sur les 1.874 milliard, 652 millions vont aux collectivités territoriales, pour des projets d’infrastructures de transports en commun ou de sécurité routière. En réalité, aucun contrôle n’est effectué sur cette affectation, si bien que le fleurissement d’un rond-point peut être considéré comme un investissement de sécurité routière…

Ensuite, 333 millions vont à l’entretien et au déploiement de nouveaux radars, ainsi qu’au financement de la gestion des amendes. 178 millions vont à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) qui, comme l’indique son nom, finance des projets d’infrastructures de transports. 26 millions alimentent un Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, qui subventionne les projets d’infrastructures de santé. 26 autres millions financent l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (le système (ANTAI) pour le développement du PV électronique. 

Enfin, 614 millions vont… au désendettement de l’État et 45 millions au fonctionnement général de l’État. Soit un petit tiers de l’argent des amendes qui allègera le fardeau des générations futures. Il est vrai que notre génération leur laisse encore une ardoise de 3000 milliards à ce jour.

Question 3/4

Une seule de ces taxes ne concerne pas la vente de carburants



  • A : Une fraction de l’accise sur les énergies
  • B : La taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans le transport
  • C : La taxe sur la valeur ajoutée
  • D : La taxe générale sur les activités polluantes

Réponse D

La fiscalité sur les carburants atteste de la créativité des services fiscaux français en matière de taxation. À peu près 60 % du prix d’un litre d’essence provient des trois taxes suivantes dont les deux premières ont été récemment refondues.

D’abord l’accise perçue sur les produits énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons, qui remplace la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui elle-même remplaçait la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Une accise est un impôt sur un produit déterminé (alcool, tabac, carburants, etc.). Seule une fraction de cette accise porte sur les carburants, et elle est exprimée en euros par mégawattheure (code des impositions sur les biens et services, CIBS, art. L312-1 et suivants). Les compagnies l’acquittent et la répercutent dans leurs coûts, sur le client.

Ensuite, la taxe incitative relative à l’utilisation d’énergie renouvelable dans le transport (TIRUERT) a succédé en 2021 à la taxe incitative relative à l’incorporation de biocarburants (TIRIB), qui a succédé en 2019 à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Cette dernière taxe s’applique désormais uniquement aux entreprises émettant certains types de déchets. L’article 266 quindecies du CIBS fixe un tarif à l’hectolitre, que la compagnie répercute sur ses coûts, donc à l’automobiliste.

Enfin, la TVA à 20 % s’applique au prix de vente, qui inclut les coûts (importation, matériels, salariés, etc.), les marges, ainsi que les deux précédentes taxes payées par les compagnies. Une part de cette TVA est donc un impôt… sur l’impôt.

Question 4/4

Parmi toutes ces taxes, laquelle n’existe pas ?



  • A : La taxe sur les boissons sucrées ou édulcorées
  • B : La taxe Chirac
  • C : L’impôt sur les portes et fenêtres
  • D : La taxe sur les pylônes électriques

Réponse C

La taxe sur les boissons sucrées ou édulcorées touche les boissons, conditionnées et vendues dans un récipient destiné à la vente au détail (bouteille, brique, fût, canette, bocal, notamment), ou en restauration. Sucrées” signifie que ces boissons contiennent des sucres ajoutés, quelle qu’en soit la quantité. Il s’agit des boissons non alcoolisées ou très faiblement. Les boissons édulcorées sont celles contenant des édulcorants de synthèse. Il existe tout un barème. Pour les boissons très sucrées (15 kg de sucre par hectolitre), la taxe est de 24.78 € par hectolitre, soit 0.081 € par cannette de 33 centilitres. Pour les boissons édulcorées, la taxe est uniforme : 3.17 € par hectolitre. Si une boisson contient à la fois des sucres ajoutés et des édulcorants, les deux taxes sont exigibles. 

La taxe Chirac, du nom de l’ancien président de la République, dont la vraie appellation est taxe de solidarité sur les billets d’avion, est prélevée sur le prix des billets pour financer l’ONG Unitaid, dont la mission est de lutter contre certaines maladies. Elle avait été proposée par Jacques Chirac et le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva  lors de la Conférence ministérielle de Paris sur les financements innovants du développement en décembre 2005. Cinq pays avaient alors adopté cette taxe (France, Royaume-Uni, Norvège, Brésil, Chili). Sur les trente pays qui s’étaient engagés à adopter cette taxe, neuf ont tenu parole à ce jour. Cette taxe pèse sur la compagnie aérienne, et n’apparaît pas sur la facture des billets. Elle est seulement répercutée sur le passager en tant que coût pour l’entreprise. À distinguer donc des taxes d’aéroport. Pour les passionnés, voyez l’article L. 422-22 du Code des impositions sur les biens et services.

La taxe sur les pylônes électriques (dont le nom officiel est “imposition forfaitaire annuelle sur les pylônes”) est prévue par l’article 1519 A du Code général des impôts. Elle concerne les exploitants de pylônes supportant des lignes dont la tension dépasse 200 000 volts, avec deux tarifs selon le voltage (par ex. 5592 € par pylône pour les lignes de plus de 350 000 volts, en 2023). 

L’impôt sur les portes et fenêtres fut créé en France par une loi du 4 frimaire an VII (24 nov. 1798). Il reprend l’idée développée sous la Rome antique que certaines caractéristiques architecturales des demeures constituaient des signes extérieurs de richesse (notamment les colonnes). La colonne se démodant avec la Révolution, ce sont les portes et fenêtres qui seront taxées à la Révolution. Cet impôt eut toutefois des effets dévastateurs sur la santé, car il poussa les propriétaires à réduire les ouvertures, limitant les entrées d’air et de lumière au point de développer des maladies telles que la tuberculose, ou provoquer du rachitisme. Malgré les recommandations de l’école hygiéniste au XIX° siècle, cet impôt ne fut supprimé que par une loi du 13 août 1926. Victor Hugo dans “Les Misérables” fit dire à l’évêque Myriel, à propos de cet impôt : Hélas ! Dieu donne l’air aux hommes, la loi le leur vend.”

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