“Niche parlementaire” : quand les députés et sénateurs prennent le contrôle de leur ordre du jour et placent leurs textes

Création : 27 novembre 2022
Dernière modification : 28 novembre 2022

Auteur : Guillaume Baticle, master de droit public, Université de Picardie Jules Verne

Relectrice : Sophie de Cacqueray, maître de conférences en droit public, Aix-Marseille Université 

Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Loïc Héreng

 

Ce qu’on appelle la “niche parlementaire” est un espace d’une journée durant laquelle les députés et sénateurs sont libres de leur ordre du jour, alors qu’en principe c’est le gouvernement qui l’impose. Un espace limité dans le temps, qui explique aussi certaines empoignades et un peu d’antijeu…

Cette semaine se tenait la “niche parlementaire” du groupe LFI-NUPES à l’Assemblée nationale. Faisons un point sur ce moment tant attendu par les députés et les sénateurs minoritaires.

La niche parlementaire un espace de liberté au Parlement

La niche parlementaire est un moment à l’Assemblée nationale ou au Sénat, durant lequel les parlementaires maîtrisent l’ordre du jour des discussions. En principe, c’est le gouvernement qui fixe l’ordre du jour des assemblées, autrement dit quels textes seront discutés et à quel moment, car selon la Constitution c’est lui qui “conduit la politique de la Nation”. Il impose donc les projets et propositions de loi qui seront débattus par les députés et les sénateurs. 

Mais exceptionnellement, à l’occasion de la niche, ce sont les assemblées qui décident elles-mêmes de l’ordre du jour. Depuis la révision constitutionnelle de 2008 en effet, “un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour arrêté par chaque assemblée à l’initiative des groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’à celle des groupes minoritaires”. La niche parlementaire n’a lieu qu’un jour par mois et elle est réservée à un seul groupe. Chaque mois le groupe qui en profite est différent.

C’est une aubaine pour les groupes parlementaires invisibles en temps normal, qui disposent de la journée entière pour présenter tous les textes qu’ils souhaitent soumettre au vote. Cela explique aussi l’embouteillage de propositions auquel on a pu assister le 24 novembre dernier (notamment la constitutionnalisation de l’IVG, le texte interdisant la corrida, et la réintégration des personnels soignants non vaccinés).

Une liberté qui s’arrête à minuit…

Il y a tout de même une règle stricte : le conte de fées s’arrête à minuit. Passé cette heure, la niche parlementaire s’achève et les propositions de loi présentées ne peuvent plus être votées. Il faut alors repasser par l’ordre du jour imposé par le gouvernement. C’est pourquoi, face aux propositions de loi de LFI-NUPES, les groupes opposés à ces textes (notamment Renaissance) ont joué la montre à grands coups d’amendements ou de rappels au règlement, qui alourdissent la procédure et font durer les débats. 

Si on entendait si peu parler de la niche parlementaire auparavant, c’est dû au fait que l’assemblée élue en juin 2022 n’a pas dégagé de majorité absolue, et que les votes sont désormais bien plus incertains. Cette niche est devenue un espace démocratique au cœur de la démocratie. 

Pas de lois définitives pour autant

Reste que les propositions de loi adoptées durant la niche ne sont pas encore des lois : elles doivent suivre la procédure législative habituelle et être adoptées par l’autre assemblée du Parlement en des termes identiques. Quant à la proposition de loi tendant à modifier la Constitution pour y inscrire le droit à l’avortement, elle devra en outre être adoptée par référendum, à moins que l’exécutif, par son implication, favorise l’adoption par le Parlement réuni en Congrès.

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