Marseille : une candidate de la liste de Martine Vassal fait campagne dans une église

Création : 3 mars 2020
Dernière modification : 20 juin 2022

Autrice : Diane Rivail, étudiante en master 2 à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sous la direction de Jean-Paul Markus, professeur de droit, Université Paris-Saclay

Source : L'obs, 26 février 2020

Depuis l’affaire Benjamin de 1933, le Conseil d’État exige plus qu’une simple improvisation à caractère politique au cours d’une messe pour juger qu’il y a réunion politique dans une église au sens de la loi de 1905 sur la séparation Eglise-Etat. Même si Catherine Pila a cité sa tête de liste et prononcé des paroles qui peuvent être qualifiées de paroles de campagne, il est a priori exagéré de dire qu’elle a transformé une messe en réunion politique.

Adjointe déléguée aux édifices culturels de Marseille et inscrite sur la liste de Martine Vassal, candidate LR aux élections municipales de Marseille, Catherine Pila a pris la parole dans l’église marseillaise Saint-Anne lors de la messe du dimanche 23 février. Après avoir rappelé les dépenses publiques réalisées au bénéfice des 73 églises locales, ses propos ont pris une tournure plus politique : « sachez tout l’attachement qui est le nôtre, Yves Moraine, Martine Vassal et moi-même d’être à vos côtés et de préserver les lieux de culte qui sont l’histoire de notre ville. » Or il est interdit de tenir une réunion politique dans un lieu de culte.

La loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État (art. 26) est claire : « il est interdit de tenir des réunions politiques dans des locaux servant habituellement à l’exercice d’un culte. » Cet article visait initialement à empêcher les discours antirépublicains prononcés par la communauté ecclésiastique (ce dont attestent les articles 34 et 35 de la même loi). Aujourd’hui, l’article 26 protège toujours l’État républicain des intrusions de l’Église dans la politique, avec en plus une conception stricte de la séparation de l’Église et de l’État. Enfin, l’article 26 protège aussi la liberté de culte, principe garanti, entre autres, par l’article 1er de la loi de 1905.

Reste que cette interdiction n’est pas facile à mettre en pratique : qu’entend-on par « réunion politique » ? La doctrine du Conseil d’État est la suivante : une réunion politique est un « groupement momentané de personnes formé en vue d’entendre l’exposé d’idées ou d’opinions en vue de se concerter pour la défense d’intérêts » (définition issue de la célèbre affaire Benjamin de 1933). Le Conseil d’État a appliqué cette définition en 2005 en jugeant qu’une manifestation publique, organisée par le maire, telle qu’une exposition ou une conférence-débat à l’occasion du 60e anniversaire de la libération des camps de concentration, ne constituait pas une « réunion politique » au sens de la loi de 1905.

En somme, le Conseil d’État retient une conception assez étroite de la « réunion politique », la limitant aux rassemblements de partisans dans le principal objectif de débattre de thèmes politiques. Ce qui n’était pas le cas à l’église Saint-Anne le dimanche 23 février.

Catherine Pila s’est bien exprimée dans un « local servant habituellement à l’exercice d’un culte » au sens de la loi de 1905. Elle a cité des candidats dont elle-même, elle a rappelé son action politique et a même semblé promettre de la prolonger (« attachement à »). C’est assurément un propos de campagne. Pour autant, l’audience, a priori non partisane, n’était pas appelée à supporter tel ou tel candidat. Catherine Pila s’est inutilement mise en danger en cas de recours devant un tribunal, toutefois, dans les circonstances telles qu’elles ressortent de la presse, il ne semble pas y avoir d’irrégularité grave au regard du droit électoral.

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