Crédits photo : MacFlory, CC 4.0

Manon Aubry estime que « rien ne nous empêche de ne pas respecter [les traités européens] ». Mais un traité est un contrat et un contrat engage.

Création : 21 mai 2019
Dernière modification : 20 juin 2022

Autrice : Anne Clémence Drouant, juriste, sous la direction de Tania Racho, docteure en droit

Source : Europe 1, L’interview politique, 14 mai 2019, à partir de 5’40’’ jusque 6’11’’

Il est faux d’affirmer que rien n’empêche la France de ne pas respecter les traités européens, car cela revient à dire que toute personne s’engageant dans un contrat peut ne pas le respecter. Manon Aubry passe sous silence les mécanismes prévus pour contraindre les États membres à respecter le droit de l’Union, y compris les lourdes pénalités financières. C’est donc le droit qui empêche de ne pas respecter les traités de l’Union européenne. Sinon, on verse dans le non-droit.

Manon Aubry, tête de liste La France Insoumise aux élections européennes, a déclaré mardi matin sur Europe 1 que « rien ne nous empêche de ne pas respecter ces règles [en désignant les traités européens], il n’y a pas de clause qui prévoit l’exclusion de pays comme la France de l’Union européenne, qui est un pays moteur ».

S’il est vrai que les États membres restent souverains, et qu’il n’existe pas de clause prévoyant leur exclusion, ces derniers ont librement consenti d’intégrer l’Union européenne, et de lui attribuer des compétences afin d’atteindre des objectifs communs. Ils se sont ainsi engagés à prendre « toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions européennes » (article 4, paragraphe 3, du Traité sur l’Union européenne).

Cet engagement prend la forme d’une convention internationale (les traités UE sont bien des contrats entre Etats), et fait l’objet d’un contrôle de la part des institutions européennes.

En effet, lorsqu’il constate une violation grave et persistante par un État membre des valeurs de l’Union européenne (la démocratie, l’égalité, l’État de droit, et le respect des droits de l’homme), le Conseil de l’Union européenne peut décider de suspendre certains droits découlant de l’application des traités à cet État membre, dont les droits de vote au sein du Conseil. Cette procédure de l’article 7 du Traité sur l’Union européenne a été déclenchée contre la Pologne, en décembre 2017, à la suite de sa réforme de la Cour suprême constituant une menace grave pour l’État de droit. Il est vrai cependant que cette procédure très encadrée est complexe à faire aboutir.

Par ailleurs, si la Commission européenne estime qu’un État membre a manqué aux règles de l’Union, elle peut engager une procédure contentieuse devant la Cour de justice. Si la Cour de justice constate que ledit État membre a effectivement manqué à ses obligations, elle peut le condamner à prendre les mesures nécessaires pour y remédier. S’il ne s’exécute pas, la Cour peut ordonner des sanctions financières. Elle a ainsi soumis l’Irlande en 2012 au paiement d’une somme forfaitaire de 2 millions d’euros, pour n’avoir pas pris l’ensemble des mesures nécessaires pour se conformer à son arrêt de 2009, dans lequel elle avait constaté un manquement de l’État irlandais aux règles européennes de protection de l’environnement.

L’État doit également être actif et assurer la bonne application des règles européennes. Le Traité de Lisbonne a introduit cette nouveauté qui fait que la Cour de justice n’a plus à attendre la désobéissance persistante de l’État membre pour ordonner des sanctions financières : elle peut dès sa première saisine, infliger une amende ou une astreinte. Ce mécanisme a été mis en œuvre pour la première fois contre l’Espagne qui a manqué à son obligation de transposer une directive relative aux contrats de crédits aux consommateurs.  

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