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Jordan Bardella, tête de liste RN aux européennes : “Il faut rompre avec l’espace Schengen : la libre circulation des personnes, c’est joli sur le papier, mais c’est aussi la libre circulation des terroristes !”

Création : 8 mars 2019
Dernière modification : 17 juin 2022

Autrice : Tania Racho, docteure en droit public

Source : BFM TV, Grand Angle du 4 mars 2019 (22h38)

Ce que souhaite Jordan Bardella est un contrôle automatique aux frontières françaises, c’est-à-dire sortir de l’espace Schengen. Mais les citoyens européens seront toujours libres de circuler en vertu des traités régissant l’Union. Ou alors il faut aussi sortir de l’Union européenne.

Jordan Bardella mélange les termes qu’il utilise au sujet de l’Union européenne : la libre circulation des personnes ne se réduit pas à l’espace Schengen.

D’un côté, la libre circulation des personnes est un droit qui dépasse l’espace Schengen, au même titre que la libre circulation des marchandises et des services. Ces circulations qui concrétisent le marché intérieur concernent les 28, bientôt 27 États membres de l’Union européenne. Cela signifie simplement que les citoyens européens peuvent se rendre dans un autre État membre de l’Union européenne sans accomplir de formalité particulière, notamment sans demander de visa.

De l’autre côté, l’espace Schengen a permis la suppression des contrôles aux frontières intérieures des États ayant souhaité y participer. Cela concerne en tout 26 pays. Parmi ces 26, il y a 22 États membres de l’Union (l’Irlande et le Royaume-Uni ont refusé, la Bulgarie, Chypre, la Croatie et la Roumanie souhaitent rejoindre l’espace) auxquels s’ajoutent des pays qui ne font pas partie de l’Union européenne : la Suisse, le Liechtenstein, la Norvège et l’Islande. Il est donc possible d’entrer en Suisse depuis la France sans contrôle d’identité, mais ce n’est pas le cas pour se rendre au Royaume-Uni depuis la France.

Lors de l’adoption de la Convention Schengen en 1985, l’idée fut de faciliter la circulation dans l’espace Schengen en supprimant les contrôles aux frontières intérieures, tout en mettant en place des « mesures compensatoires », c’est-à-dire des contrôles renforcés aux frontières extérieures (ce qui inclut les aéroports internationaux). Ces contrôles ont finalement été concrétisés en 1995. En premier lieu, il s’agit du renforcement des contrôles aux frontières externes, d’un régime commun de visas pour les courts séjours mais aussi et surtout de la création d’un fichier appelé SIS pour « Système d’information Schengen ». Celui-ci contient des signalements concernant les personnes étrangères, qui ne sont pas citoyennes de l’Union européenne, parce qu’elles sont interdites de séjour dans l’espace Schengen, recherchées pour un procès ou une détention ou encore car elles représentent un danger pour l’ordre public. Le fichier contient également des signalements d’objets, comme des voitures volées par exemple. Ce fichier est d’une importance cruciale pour les autorités policières et douanières d’un pays, à tel point que le Royaume-Uni participe au SIS, alors même qu’il ne fait pas partie de l’espace Schengen et il semble vouloir maintenir sa participation au fichier malgré le Brexit. Mettre fin à l’espace Schengen impliquerait de mettre fin à cet énorme fichier lourd de plus de 76 millions de signalements.

Enfin, les contrôles aux frontières intérieures restent possibles, soit de façon générale pour une durée précise (« réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures ») soit de façon aléatoire et ponctuelle. La réintroduction temporaire est largement utilisée depuis l’intensification des flux migratoires, à tel point que les pays ne respectent plus les durées initialement prévues pour les réintroductions de contrôles. Ensuite, les règles de l’espace Schengen empêchent que des contrôles ponctuels soient effectués pour la seule raison d’un franchissement de frontière mais ces contrôles sont possibles en cas de suspicions liées à des infractions. Autrement dit, des policiers français peuvent contrôler un bus provenant de Belgique, s’ils ont par exemple des informations concernant la possible présence d’individus liés à des activités terroristes.

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