Laurent Wauquiez : “J’ai décidé que la région se retirait du processus zéro artificialisation nette”
Auteur : Sacha Sydoryk, Maître de conférences en droit public, Université de Picardie Jules Verne
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Relecteur : Jean-Paul Markus, Professeur de droit public, Université Paris-Saclay
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Fonctions politiques ou similaires : aucune
Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng
Source : Site France Info, 30 sept. 2023
Une région n’a pas le droit de refuser d’appliquer une loi nationale. Si Laurent Wauquiez n’applique pas l’objectif ZAN, cela aura l’effet contraire à ce qu’il prétend : au lieu d’en dispenser les communes, ces dernières devront l’appliquer directement en court-circuitant la région
Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a affirmé samedi 30 septembre vouloir sortir du dispositif “zéro artificialisation nette” (ZAN), précisant : “Mettre sous cloche les décisions des permis de construire sur la ruralité, cela signifie qu’on s’interdit toute forme d’avenir (…) J’ai décidé que la région se retirait du processus. On le fait en lien avec les départements avec lesquels on a échangé dessus”. Cette sortie de la région est illégale. Une région ne peut pas freiner la mise en œuvre d’un objectif prévu par la loi. En plus, cette sortie serait contre-productive.
ZAN, qu’est-ce que c’est ?
L’objectif ZAN est issu de la loi Climat et résilience du 22 août 2021 (articles 191 et suivants), inspirée en cela par une proposition de la Convention citoyenne pour le climat de 2019. Comme son nom l’indique, il vise à interdire l’artificialisation des sols à l’horizon 2050, en imposant jusqu’à cette date un calendrier de réduction de l’artificialisation des sols. À partir de 2050, toute artificialisation d’une parcelle de terrain, c’est-à-dire sa bétonisation, ne sera possible que si une surface équivalente est végétalisée.
Les régions sont tenues de mettre en œuvre l’objectif ZAN
L’objectif ZAN est posé par la loi. L’application se fait à plusieurs niveaux, dont le niveau régional, à travers ce qu’on appelle les Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET, article L. 4251-1 du Code général des collectivités territoriales, CGCT). Le ZAN est également mis en œuvre au niveau intercommunal et communal, à travers les documents d’urbanisme que sont les Schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les plans locaux d’urbanisme (PLU) (article 194, IV de la loi du 22 août 2021).
Il a donc été créé une sorte de hiérarchie de textes, allant de la loi posant le principe ZAN aux documents d’urbanisme intercommunaux et communaux, en passant par des schémas régionaux, le texte le plus bas devant être compatible avec le texte supérieur.
Il revient donc à la région de tirer les conséquences de la volonté du législateur en planifiant la mise en œuvre de l’objectif ZAN, et cela avant le 22 novembre 2024. Dans le même temps, les documents d’urbanisme doivent également commencer à prendre en compte cet objectif, le cas échéant en suivant les grandes orientations de la région.
Si la région rejette le ZAN, les communes devront quand même l’appliquer !
La région ayant l’obligation de prendre en compte ces objectifs légaux, elle ne peut donc “se retirer du dispositif” comme le prétend Laurent Wauquiez. Que se passerait-il si malgré tout la région décidait de sortir du dispositif ? Son SRADDET serait illégal, et risquerait l’annulation par le juge administratif.
Autre conséquence majeure, les documents d’urbanisme que sont les SCoT et les PLU n’auraient plus à prendre en compte le SRADDET puisqu’il serait illégal. Les intercommunalités et communes devraient alors s’aligner directement sur l’objectif ZAN posé par la loi, en court-circuitant le SRADDET. Si les SCoT et PLU ne sont pas révisés en ce sens dans les délais imposés (six ans et six mois à compter de la promulgation de la loi de 2021), alors il sera tout simplement impossible pour une commune ou une intercommunalité d’accorder des permis de construire sur des terrains qui ne seraient pas déjà urbanisés (article 194, IV, 9° de la loi de 2021). Et si un maire ou un président d’intercommunalité s’avisaient d’accorder un permis contraire de construire contraire à l’objectif ZAN, le préfet obtiendrait très probablement l’annulation de ce permis devant le tribunal administratif.
Ainsi, la décision de Laurent Wauquiez n’aura pas les effets voulus : s’il refuse de mettre en œuvre l’objectif ZAN dans sa région, ce qu’il a le pouvoir de faire mais pas le droit, cet objectif sera quand même opposable aux intercommunalités et communes qui auront l’obligation de mettre en œuvre cet objectif par elles-mêmes, sous peine de ne plus pouvoir autoriser les constructions nouvelles bien avant 2050. Ou quand l’abstention de la région rend plus rapide l’application de l’objectif ZAN.
Ajout de la réponse de la Région Rhône-Alpes le 3 octobre 2023
Dans une réponse qu’elle nous a adressée, la région Rhône-Alpes précise les propos de son président Laurent Wauquiez : après la loi du 20 juillet 2023 réaménageant l’objectif ZAN, la région a interrompu la concertation avec les élus locaux prévue par la loi Climat et résilience, faute de décrets d’application de la loi nouvelle, et de précisions sur les projets nationaux qui bénéficieront d’exemptions.
Nous prenons acte du fait que le processus d’exécution de l’objectif ZAN par les régions peut être retardé du fait de cette modification législative récente – demandée par le parti LR auquel appartient L. Wauquiez. Reste qu’en aucun cas, une région ne peut sortir de son propre chef de ce processus.
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