Jordan Bardella : “L’Union européenne souhaite imposer aux Français la répartition des migrants dans les communes françaises”

Création : 2 mai 2024

Auteur : Gauthier Maës, master droit international et droit européen à l’Université de Lille

Relecteur : Christian Osorio Bernal, juriste et enseignant en droit des affaires européennes et internationales à l’Université de Lille

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Aya Serragui

Source : Compte Facebook de Jordan Bardella, 8 avril 2024

Si l’Union régit l’accueil des migrants au sein de l’Union et de leur répartition entre les États, elle n’est aucunement compétente pour organiser leur répartition entre les communes d’un État.

Le nouveau pacte sur l’asile et l’immigration a été adopté le 10 avril 2024 par les députés européens. Mais cette adoption n’entraîne pas son entrée en vigueur, laquelle nécessite aussi son approbation par le Conseil de l’UE. Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement National, a exprimé son opposition à ce pacte en affirmant qu’il “contient une ligne rouge, celle de la répartition obligatoire des migrants arrivant en Europe dans les communes françaises, sous peine de sanctions financières pour les États récalcitrants.

La question migratoire est un enjeu central des prochaines élections européennes. Le pacte critiqué a pour objectif de revoir de façon globale les politiques européennes relatives aux contrôles aux frontières, à l’asile et à l’immigration, dont certaines se sont révélées défaillantes au cours des dernières années. Il comprend de nombreux textes, notamment sur le partage équitable des responsabilités entre les États membres, et l’établissement de normes d’accueil.

L’échec du précédent pacte

Le rôle de l’Union en matière de répartition des migrants se concentre principalement sur la détermination de l’État responsable de leur accueil. Actuellement, c’est dans le règlement dit Dublin III que le régime des demandeurs d’asile trouve sa source, mais celui-ci a montré ses limites : l’État d’accueil se trouve être, le plus souvent, celui par lequel la personne étrangère est arrivée. Il arrive souvent qu’après avoir enregistré une demande d’asile dans l’État d’arrivée, les personnes se déplacent et renouvellent cette procédure dans un autre État. Ce dernier peut alors demander le transfert de la personne vers l’État de sa première demande selon ce règlement.

Cela explique les très nombreux transferts vers la Grèce, qui représente l’un des principaux points d’entrée. Mais il a fallu déroger à la procédure en raison des défaillances systémiques de l’État grec et des risques de traitement inhumain ou dégradant sur place. Cette dérogation est d’ailleurs prévue à l’article 3, point 2, paragraphe 3 du Règlement européen, et dans ce cas c’est l’État où le migrant a fait sa seconde demande d’asile qui doit la traiter.

Cette défaillance a mis en évidence le risque qu’il y avait à faire peser l’essentiel de la responsabilité de l’accueil sur certains Etats, qui sont des points d’entrée (Grèce, Chypre notamment).

Le nouveau pacte prévoit une répartition des migrants par États, sauf compensation financière

Dans un objectif de solidarité et de partage équitable des charges et responsabilités entre les États membres, au demeurant prévu par les traités, le nouveau règlement prévoit une relocalisation de certains migrants des pays les plus touchés par l’afflux migratoire, vers les pays les moins touchés. En cas de refus de recevoir des migrants ainsi relocalisés, l’Etat récalcitrant s’expose au paiement de compensations pécuniaires.

Ce sont ces dernières qui ont été interprétées comme des sanctions par Jordan Bardella, alors qu’en réalité il s’agit d’une compensation : soit l’État reçoit des migrants sur son territoire, soit il participe financièrement à leur accueil sur le territoire d’un autre État. En somme, il n’existe pas d’obligation d’accueil des migrants, seulement une obligation de solidarité financière avec les États qui les accueillent.

L’Union n’impose aucune répartition entre les communes d’un État

L’Union européenne, dans le pacte sur la migration et l’asile, expose certaines réglementations concernant l’accueil des migrants comme le placement en rétention, la scolarisation et l’éducation des mineurs ou encore l’accès à l’emploi. Ces normes existaient déjà avant (article 8 de la directive européenne du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale).

En revanche, la question de la répartition des migrants sur le territoire d’un État ne relève pas de l’Union, mais du seul État. C’est ce que prévoient les articles 7, 8 et 9 de la même directive. Ainsi, un État peut répartir les demandeurs d’asile à travers son territoire comme il l’entend, notamment “pour des raisons d’ordre public” précise la directive, à condition que cela n’ait pas pour effet d’entraver le “traitement rapide, efficace et effectif de leurs demandes” d’asile. Rien donc, obligeant à répartir entre les communes de France.

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