Crédits photo : Frantogian, CC 3.0

Éric Ciotti propose de “refuser d’appliquer les directives européennes et les jurisprudences qui nient la spécificité militaire”

Création : 15 décembre 2022
Dernière modification : 19 décembre 2022

Autrice : Emma Cacciamani, master de droit et contentieux de l’Union européenne, Université Paris-Panthéon-Assas

Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au centre de recherches VIP, Université Paris-Saclay

Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng



Source : Programme d’Éric Ciotti, à l’élection interne du parti Les Républicains, p. 5

La directive européenne sur le temps de travail des militaires, à laquelle Éric Ciotti fait référence, ne menace pas les opérations françaises puisqu’elle permet des exceptions pour assurer la sauvegarde de la sécurité publique. De plus, ne pas appliquer une directive européenne expose la France à de lourdes amendes.

écrire ici

Élu à la tête du parti Les Républicains, Éric Ciotti propose dans son programme de “refuser d’appliquer les directives européennes et les jurisprudences qui nient la spécificité militaire”.

Impossible pour le droit du travail…

Eric Ciotti fait référence à la directive dite temps de travail”. Celle-ci fixe des règles minimales de sécurité et de santé au travail (article 1er) notamment en séparant le temps de travail et les périodes de repos. Elle indique que la durée maximale de travail hebdomadaire ne peut excéder 48 heures, heures supplémentaires incluses (article 6).  

La directive s’applique à tous les travailleurs, y compris les militaires, mais son application ne doit pas entraver le bon accomplissement des fonctions essentielles de l’État notamment, prévoit le Traité sur l’Union européenne, pour sauvegarder la sécurité nationale, comme nous l’avions déjà écrit. Ainsi, plusieurs activités des forces armées sont exclues des contraintes de temps de travail comme pour la formation initiale, l’entraînement opérationnel, l’opération militaire ou lorsqu’un système de rotation des effectifs est impossible. 

En France, le Conseil d’État a déjà jugé que la période d’astreinte des gendarmes n’entrait pas dans le temps de travail et donc que le plafond des 48 heures par semaine était respecté. 

Contrairement à ce qu’affirme Éric Ciotti, la directive “temps de travail” et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État ne nient pas les spécificités militaires mais ont bien posé un cadre flexible où sont pris en compte certains impératifs de sécurité nationale. Si la France ne respectait pas la directive, alors la Commission européenne pourrait initier un recours en manquement. De même, si la France abrogeait la transposition de la directive – qui se situe dans le Code du travail, alors elle s’exposerait à ce qu’un individu lésé engage sa responsabilité pour violation du droit de l’Union, et la justice française lui octroierait des dommages et intérêts. En 2017, Manuel Valls menaçait déjà de ne plus appliquer une directive européenne, et comme Les Surligneurs l’avaient expliqué, ce n’était déjà pas permis par les règles de droit. 

Peu probable pour l’industrie de l’armement…

Mais ce n’est pas tout, le secteur de l’industrie de l’armement pourrait aussi avoir à respecter de nouvelles obligations européennes. La directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (dite “CSRD”) a été adoptée le 28 novembre 2022 par le Conseil – c’est-à-dire les États membres. Dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe et de la stratégie de financement durable, ce texte a pour objet de faciliter l’accès des investisseurs aux informations environnementales et sociales des entreprises. Cette directive s’appliquera à toutes les grandes entreprises ainsi qu’aux PME cotées en bourse, considérées comme d’intérêt public (articles 19 et 19 bis, prochainement modifiés). Il est alors probable que l’industrie de l’armement soit concernée par l’obligation de publier certaines informations sur l’impact environnemental et social de ses activités.

De même que pour le droit du travail, si la France refusait d’appliquer le droit de l’Union, comme le souhaite Éric Ciotti, elle s’exposerait à de lourdes sanctions en plus de devoir s’y conformer. 

Contacté, Éric Ciotti n’a pas répondu à nos sollicitations.

Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.