Au sujet des inondations dans le sud-est, Christian Estrosi affirme que “l’État a été responsable et pas les collectivités”

Création : 15 janvier 2020
Dernière modification : 20 juin 2022

Auteurs : Paul Pradelle et Quentin Buron, étudiants à Sciences Po Saint-Germain, sous la direction de Camille Morio, maîtresse de conférence en droit public

Source : LCI, 3 décembre 2019

Christian Estrosi rend la bétonisation des années 1970, autorisée à l’époque par l’État, responsable des dommages causés par les inondations de décembre 2019. Or depuis 1981, soit près de quarante ans, ce sont les maires et les présidents de métropole qui ont la main sur l’urbanisme, à travers le plan local d’urbanisme notamment. Or Christian Estrosi est à la fois maire et président de métropole…

Début Décembre, le sud-est de la France et notamment le département des Alpes-Maritimes étaient touchés par de fortes inondations bloquant des routes et sinistrant des quartiers. Le maire de Nice, président de la Métropole Nice-Côtes d’Azur et président délégué de la région Sud, réagit aux conséquences des inondations qui ont frappé le territoire de sa commune, en pointant du doigt la responsabilité de l’État dans le phénomène de « bétonisation » du littoral, qui affecte l’écoulement normal des eaux de pluies et aggrave les risques d’inondations. On rappellera toutefois qu’un maire – et président de la métropole Nice-Côtes d’azur – détient un rôle majeur dans l’élaboration du plan local d’urbanisme (PLU), ce document stratégique qui détermine l’occupation des sols, autrement dit la « bétonisation » ou pas.

Le mouvement de décentralisation engagé depuis les lois Defferre de 1981 et 1982 vise – entre autres – à accroître la liberté d’administration les collectivités territoriales. Cette liberté d’administration locale est même inscrite dans la Constitution (article 72 de la Constitution). Pour les communes, cette liberté s’exerce en particulier par le PLU, élaboré en toute autonomie, c’est à dire sans intervention des services de l’État, sous la seule condition du respect des lois.

Cette autonomie n’a fait que s’accroître au fil des lois, en 2000 (loi SRU), en 2014 avec la loi ALUR qui confie un rôle important aux intercommunalités, en 2014 encore avec la loi dite “MAPTAM” créant les métropoles et leur confiant un rôle majeur en matière d’urbanisme (article L5217-2 du code général des collectivités territoriales). Or Christian Estrosi est aussi président de métropole…

Et quand bien même la bétonisation aurait commencé avant les lois de décentralisation, Christian Estrosi détient d’autres pouvoirs qu’il oublie de mentionner :  en matière de politique de la ville il peut proposer la démolition et la requalification de zones urbaines  « présentant des « dysfonctionnements urbains » (loi du 21 février 2014). Il peut même obtenir le soutien financier de l’État par la participation de l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine) dans le cadre d’une politique nationale de requalification urbaine.

La densification urbaine sur le littoral du Sud-Est de la France est un fait, pourtant la responsabilité seule des services de l’Etat ne saurait être retenue, ou seulement pour la partie bétonnée avant… 1981 soit depuis près de quarante ans !  Il est difficile d’établir un lien de causalité juridique entre des sinistres de 2019 et une bétonisation des années 1970, sans tenir compte de ce qui a pu être bétonné depuis 1981 sur autorisation du maire, des intercommunalités et de la métropole créée ensuite, présidée par Christian Estrosi.

Donc pour nuancer la déclaration de Christian Estrosi, peut-être faut-il rappeler au maire de Nice, que ses griefs devraient plutôt se diriger contre le président de la Métropole de Nice-Côtes d’Azur, un certain Christian Estrosi… qui aurait tout à fait pu initier un programme de requalification urbaine sur les zones à risques identifiées, et qui en tant que simple maire pouvait en tout état de cause éviter d’aggraver la bétonisation.

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