Affaire Pierre Palmade et mort de l’enfant à naître : y a-t-il homicide involontaire ?

Création : 16 février 2023

Autrice : Marie Schroeder, master de droit pénal et politiques criminelles, Université Paris-Nanterre

Relecteurs : Audrey Darsonville, professeure de droit pénal, Université Paris-Nanterre

Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay 

Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Loïc Héreng



Pour qu’il y ait homicide involontaire, il faut, au moins au départ, un être vivant. Or un fœtus mort in utero n’est pas considéré comme un être vivant. Mais si, extrait par césarienne après l’accident, l’enfant a respiré avant de mourir, Pierre Palmade risque bien d’être condamné pour homicide involontaire.

Le 10 février dernier, un accident de la route met en cause l’humoriste Pierre Palmade, conducteur du véhicule et testé positif aux stupéfiants. Parmi les victimes : une femme enceinte de sept mois qui perd son bébé. La notoriété de Pierre Palmade relance alors la délicate question de la possibilité ou non d’appliquer la qualification pénale d’homicide involontaire lorsque la victime est un enfant à naître. Un fœtus peut-il être victime d’une infraction pénale ? 

Si pour certains, un fœtus est une personne humaine comme une autre, le droit ne l’entend pas exactement de cette manière.

Quelles sont alors les conditions pour retenir la qualification pénale d’homicide involontaire ? 

Pour qu’il y ait homicide involontaire, il faut d’abord un être humain vivant

Le Code pénal énonce que « Le fait de causer (…) par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire (…) ». La loi exige donc la mort d’autrui. Par conséquent, la victime doit être vivante au moment de la réalisation de l’infraction. 

Or, la question qui s’est posée en jurisprudence était de savoir si le fœtus pouvait être qualifié « d’autrui » au sens de la loi pénale. Selon la jurisprudence, tout dépend du moment de la mort du fœtus. Deux cas sont alors à distinguer.

En cas de mort du fœtus in utero : une question déjà  réglée par le juge depuis 2001

Pour la Cour de cassation, la victime doit être née vivante de manière indépendante du corps de la mère. Dans une décision remarquée en 2001, la Cour de cassation refusa de considérer un fœtus, enfant à naître, comme victime d’un homicide involontaire. La configuration était la suivante : un véhicule conduit par un homme sous l’emprise d’un état alcoolique avait heurté celui conduit par une femme, enceinte de six mois, qui a perdu à cette occasion le fœtus qu’elle portait, mort sur le coup. La Cour de cassation interprète strictement la loi pénale : un fœtus mort in utero n’est pas une personne humaine et vivante. Par conséquent, les juges refusent de qualifier la mort in utero du fœtus d’homicide involontaire. 

Certains tribunaux correctionnels ont tenté d’admettre tout de même l’homicide involontaire : dans le domaine médical ou dans celui des accidents de la circulation. Mais ces décisions du fond ont chaque fois été censurées par la Cour de cassation, qui maintient sa position à ce jour. Le fœtus mort-né n’a donc pas d’existence autonome et, de ce fait, ne peut être victime d’homicide involontaire. Cela signifie que seules des violences involontaires contre la personne de la femme enceinte pourront être retenues contre l’auteur de l’accident.

Dans l’affaire Palmade, le fœtus extrait par césarienne post-accident aurait vécu quelques secondes : il y aurait donc homicide involontaire 

La Cour de cassation avait précisé en 2001 qu’« il ne peut y avoir d’homicide qu’à l’égard d’un enfant dont le cœur battait à la naissance et qui a respiré ». Arrêtons-nous sur ce point. Selon la presse, dans l’affaire Palmade, les médecins ont tenté, par césarienne, de sauver l’enfant à naître. Ce dernier aurait été extrait, mais n’a vécu que quelques secondes. Peut-on dès lors parler d’homicide involontaire sur un fœtus extrait d’urgence par césarienne, qui a respiré, mais qui n’a pas survécu ?  

Dans cette hypothèse, la Cour de cassation a affirmé en 2003 que si la faute est commise au stade prénatal et que l’enfant est né vivant mais décédé par la suite en raison des séquelles provoquées par le dommage (accident de la route, accident médical, …), l’auteur peut être responsable d’un homicide involontaire sur fœtus. Dès lors que l’enfant est né vivant, même un très court instant, il devient « autrui » au sens de la loi, et la qualification d’homicide involontaire s’applique.

C’est l’expertise médicale qui fournira la solution

Concernant l’affaire Palmade, faute de connaître les éléments du dossier pénal, il convient de rester prudent sur les termes employés. Si le fœtus est mort in utero, il n’est donc pas né vivant. Il ne bénéficie pas de la qualité de victime d’une infraction pénale et par conséquent l’homicide involontaire ne peut être retenu à l’encontre de Pierre Palmade. 

En revanche, si l’expertise démontre que le fœtus a en effet respiré puis est décédé à cause de l’accident, la qualification d’homicide involontaire aggravée pourra être retenue et faire encourir jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100.000 euros d’amende à l’humoriste voire dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende si le délit a été commis après usage de stupéfiants et en cas de violation délibérée d’une obligation de sécurité.

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