Alain Carignon et le burkini dans les piscines grenobloises : “le tribunal vient de donner un coup d’arrêt aux dérives d’Eric Piolle et à son désir de favoriser l’islamisme politique”

Création : 27 mai 2022
Dernière modification : 24 juin 2022

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay 

Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng, Yeni Daimallah et Emma Cacciamani 

Source : France 3, 26 mai 2022

Le tribunal administratif a pris bien des juristes (dont Les Surligneurs) à rebours en mettant en cause non pas le burkini même, mais la décision de l’autoriser par le règlement des piscines, contraire au principe de neutralité des services publics. Audacieux. Si le Conseil d’État confirme en appel, cela ne signifie pas forcément la fin du burkini dans les piscines.

Alain Carignon, ancien maire de Grenoble et désormais opposant municipal, a salué la décision du tribunal administratif de Grenoble qui suspend la modification du règlement des principes de la ville, qui tendait à autoriser le port du burkini. Bien des juristes, tout comme nous aux Surligneurs, prévoyaient le rejet du déféré-laïcité du préfet de l’Isère contre la délibération du conseil municipal modifiant ce règlement. Or, le tribunal l’a suspendu, c’est-à-dire que ce règlement ne peut s’appliquer que dans son ancienne version, qui interdisait le burkini. Cette décision du 25 mai, publiée sur le site du tribunal, est selon les termes mêmes de l’avocat Patrice Spinosi “assez créative“. 

On attendait le tribunal sur la laïcité, il a répondu sur la neutralité des services publics

En effet, le juge a inversé les perspectives. La plupart des juristes l’attendaient sur le thème “burkini et laïcité”, centré sur le baigneur : ce type de tenue de bain porte-t-il atteinte au principe de laïcité des services publics ? Et on sait que d’une part, les usagers des services publics ne sont pas concernés par ce principe (sauf exception légale et ordre public), et d’autre part que le burkini n’est pas en soi contraire à ce principe selon le Conseil d’État lui-même.

Le tribunal a choisi de laisser de côté l’usager pour examiner l’attitude de l’autorité même en charge du service public, sur le thème “conseil municipal et neutralité des services publics”. Cette autorité doit respecter les grands principes du service public, dont l’égalité et la neutralité (ce qui inclut la laïcité). Examinant attentivement le règlement de la piscine dans sa version modifiée, le juge s’est rendu compte que la modification était millimétrée pour autoriser le burkini et aucune autre tenue de bain. En effet, le règlement continue d’imposer les tenues  “moulant(es) très près du corps recouvr(ant) au minimum la partie située entre le haut des cuisses et la ceinture et au maximum la partie située au-dessus des genoux et au-dessus des coudes”, excluant notamment les shorts et jupes, boxers longs, etc.). Mais il ajoute une exception pour les tenues “non près du corps” sous la seule condition qu’elles soient moins longues que la mi-cuisse. Est ici visée la jupette qui caractérise le burkini. 

Un règlement municipal orienté vers une religion sous couvert d’une règle générale

En somme, selon le tribunal, le conseil municipal a rédigé un règlement qui, sous des aspects généraux, a en réalité pour seul objectif d’autoriser un vêtement religieux bien déterminé : pas les turbans, pas les kippas ou autres foulards, mais bien les burkinis. Le conseil municipal a donc enfreint le principe de neutralité du service public, en créant une dérogation à l’obligation de porter des vêtements de bain “près du corps” en faveur des seuls burkinis, donc pour des raisons religieuses.

Voilà qui devrait faire gamberger au Conseil d’État, saisi en appel et qui devrait se prononcer dans les semaines qui viennent. Soit il annule la décision du tribunal administratif, et le règlement de piscine autorisant le burkini pourra entrer en vigueur. Soit il confirme la position du tribunal, et tout sera à refaire pour le maire de Grenoble.

Si ce dernier entend persister, il lui faudra imaginer une version du règlement des piscines qui permette le burkini sans en faire une dérogation à caractère religieux, tout en respectant les impératifs de santé publique (hygiène). On cite souvent le cas des piscines rennaises, où le burkini a fait son entrée du fait d’un règlement très vague. Ce dernier prévoit : “Les tenues de bain doivent en outre être conformes aux exigences de sécurité et d’hygiène. Afin de préserver la qualité de l’eau de baignade, elles doivent impérativement être dans un tissu conçu spécifiquement pour cet usage et ne doivent pas avoir été portées avant l’accès à la piscine”. Aucune restriction liée aux dimensions de la tenue de bain : seuls sont imposés “un tissu spécifique” et le respect des “exigences de sécurité et d’hygiène”.

Le défaut de ce règlement rennais : il est très flou, et expose les usagers à une certaine insécurité juridique (c’est-à-dire le risque d’être renvoyé de la piscine pour tenue non conforme) : qui connaît les normes en la matière ? Mais sur le fond, ce règlement est conforme à un avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) de 2012 , qui préconise “l’utilisation d’un maillot de bain exclusivement réservé à cet effet et le port d’un bonnet de bain”, ainsi que d’autres précautions telles que l’obligation de prendre une douche savonnée avant l’entrée dans le bassin (pages 7 et 168). Rien sur le caractère moulant ou non de la tenue.

Contacté, Alain Carignon n’a pas répondu à nos sollicitations. 

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