Volodymyr Zelensky : “l’accès de la Russie au marché agricole européen reste illimité […]. C’est injuste”
Autrice : Sarah Nunes Amaral, master droit international et droit européen à l’Université de Lille
Relecteurs : Christian Osorio Bernal, juriste et enseignant en droit des affaires européennes et internationales à l’Université de Lille
Vincent Couronne, chercheur associé en droit public au centre de recherches Versailles Institutions Publiques, enseignant en droit européen à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Aya Serragui
Source : France Info, 21 mars 2024
Il est vrai que les sanctions à l’encontre de la Russie ne concernent pas les importations agricoles (céréales et oléagineux principalement), mais l’Union a décidé, le 22 mars, d’augmenter les droits de douane sur ces importations, en escomptant avoir les mêmes effets qu’une sanction. Toutefois, ces taux ne sont pas encore en application.
Le sommet européen des 21 et 22 mars à Bruxelles a été l’occasion pour les États membres de débattre des sujets intéressant l’Union, comme l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Bosnie-Herzégovine, le renforcement du soutien militaire à l’Ukraine, la situation humanitaire à Gaza et d’autres sujets traités par les chefs d’État et de gouvernement.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, s’est saisi de cette occasion pour déplorer que “l’accès de la Russie au marché agricole européen reste illimité” et affirmer qu’il était “injuste” que l’Union continue d’importer “sans restrictions” des céréales russes.
C’est vrai : les sanctions contre de la Russie ne concernent pas son accès au marché agricole européen
En février 2024, l’Union a adopté un treizième paquet de sanctions à l’encontre de la Russie. Cependant, les domaines et acteurs concernés par ces sanctions, énoncés aussi bien sur le site de la Commission européenne que sur celui du Conseil européen et du Conseil de l’Union, montrent que ces sanctions ne restreignent pas le commerce agricole russe, bien qu’elles touchent à un nombre de secteurs variés : mesures restrictives imposées au secteur militaire et de la défense russes, aux membres du pouvoir judiciaire, etc.
Certains médias affirment que l’Union a volontairement exclu le secteur agricole pour ne pas déstabiliser le marché européen ou fragiliser la sécurité alimentaire de pays dépendants de la Russie sur ce plan.
Toujours est-il que pour le moment, ce qu’affirme le président Ukrainien dit juste. Les produits agricoles russes ne subissent aucune restriction conditionnant leur entrée en l’Union. Mais cela va changer.
La création de futurs droits de douane sur les importations de céréales russes : une sanction en soi
Toutefois, le 22 mars dernier, à la suite de la première journée du sommet européen, la Commission européenne a proposé l’augmentation des droits de douane sur les importations dans l’Union de céréales, d’oléagineux et de produits dérivés en provenance de Russie et de Biélorussie. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne a déclaré : “Nous proposons d’imposer des droits de douane sur les importations russes afin d’atténuer le risque croissant pour nos marchés et nos agriculteurs. Les droits de douane réduiront la capacité de la Russie à exploiter l’Union au profit de sa machine de guerre“.
Ces droits de douane ne sont juridiquement pas des sanctions. Mais l’objectif recherché par la Commission est clair : “les droits de douane appliqués (…) aboutissent au même résultat sur le marché intérieur des céréales que des sanctions : ils limitent l’accès au marché de l’Union et privent la Russie de recettes d’exportation.”.
En effet, ces nouveaux droits de douane sont fixés à un niveau suffisant pour décourager les importations actuelles : ils passeront soit à 95 EUR la tonne, soit à un droit ad valorem de 50 % selon le produit concerné, d’autant plus que la Russie n’aura plus accès aux contingents de l’Union fixés pour les céréales dans le cadre de l’OMC, qui offrent un meilleur traitement tarifaire pour certains produits.
À ce jour, aucune précision n’a été donnée concernant la date de l’entrée en vigueur de ces nouveaux droits de douane.
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