Valérie Pécresse propose, “pour tenir compte de l’évolution de la criminalité, d’abaisser la majorité pénale à 16 ans”
Dernière modification : 30 septembre 2022
Autrice : Marine Salvi, master d’études parlementaires et d’études législatives, Université d’Aix-Marseille
Relectrice : Audrey Darsonville, professeure de droit pénal, Université Paris X Nanterre
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Yeni Daimallah
Source : Projet de Valérie Pécresse
La jurisprudence constitutionnelle et nos engagements internationaux rendent difficiles l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans, mais pas insurmontable. Reste que les mineurs peuvent d’ores et déjà, dès 16 ans, être sanctionnés aussi durement que les majeurs.
Dans son “projet pour la France”, Valérie Pécresse, candidate à l’élection présidentielle pour le parti Les Républicains, souhaite “remettre de l’ordre dans la rue” par “l’impunité zéro pour les voyous” y compris les mineurs. C’est dans ce cadre que s’inscrit sa proposition d’abaisser la majorité pénale des mineurs car elle estime que cela mettrait un coup d’arrêt à la “montée continuelle de la violence des mineurs”.
Telle quelle, cette proposition serait compliquée à mettre en œuvre au vu de la jurisprudence constitutionnelle et du droit international d’autant que la justice pénale permet d’ores et déjà de condamner les mineurs au même titre que les adultes.
Quels seraient les effets d’une majorité pénale à 16 ans ?
L’abaissement de la majorité pénale aurait les conséquences suivantes : un délinquant mineur civilement mais majeur pénalement ne comparaît plus devant une juridiction spécialisée pour mineurs, mais devant les juridictions pénales de droit commun. De plus, il ne bénéficie plus de l’excuse de minorité, ni d’atténuations de responsabilité : ces atténuations sont importantes, car le mineur qui en bénéficie ne peut encourir une peine supérieure à la moitié de celle que les majeurs encourent pour des faits identiques.
Mais encore faut-il surmonter quelques obstacles.
L’obstacle du droit international
La première difficulté juridique est un obstacle de droit international. La France a ratifié la Convention internationale de 1989 relative aux droits de l’enfant qui entend le mot enfant comme “tout être humain âgé de moins de 18 ans”. Si cette convention laisse la possibilité d’adopter une législation nationale établissant la majorité civile à moins de 18 ans, ce n’est pas le cas de la France, où la majorité est bien établie à 18 ans par le Code civil (dans deux articles).
Or, la convention précise également qu’un enfant ne peut être pénalement traité comme un adulte et doit bénéficier de juridictions pénales spécialisées, ce qui est le cas en France.
Pour surmonter cet obstacle et supprimer la spécialisation des juridictions pour les personnes dès 16 ans, il faudrait donc d’abord abaisser l’âge de la majorité civile en France par une loi. La convention s’appliquerait alors aux enfants de moins de 16 ans. Mais une telle réforme serait problématique et très discutée car elle soulèverait beaucoup de questions annexes telles que la question du droit de vote, celle du mariage ou encore la capacité financière…
Par ailleurs, la France a ratifié en 2007 la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants qui explique que “la (…) Convention s’applique aux enfants qui n’ont pas atteint l’âge de 18 ans”.
L’obstacle du droit constitutionnel
La seconde difficulté juridique est une décision du Conseil constitutionnel de 2002 reconnaissant le principe à valeur constitutionnelle de “l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de leur âge”, une façon très explicite de dire qu’une personne mineure ne peut être jugée comme une personne majeure. Dans la même décision, le Conseil constitutionnel impose également la spécialisation des juridictions pour les mineurs, forcément différent du juge de droit commun en conséquence.
Enfin, en vertu du Code de la justice pénale des mineurs, le système pénal actuel permet d’ores et déjà de lever l’excuse de minorité et la comparution devant une juridiction spécialisée pour les mineurs, dès 16 ans, selon la gravité des délits et des crimes. Le juge peut donc déjà appliquer les sanctions pénales prévues pour les majeurs aux mineurs de 16 à 18 ans. En somme, la proposition de Valérie Pécresse innove donc assez peu.
Contactée, Valérie Pécresse n’a pas répondu à nos sollicitations.
Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.