Selon Stéphane Séjourné, “en Europe c’est l’unanimité au Conseil qui prévaut”

Création : 1 décembre 2021
Dernière modification : 27 juin 2022

Autrice : Servilienne Murenzi, master droit européen, Université Paris-Est Créteil

Relectrice : Tania Racho, docteure en droit européen, Université Paris II Panthéon-Assas

Source : Franceinfo, 19 novembre 2021, 01:30’

Stéphane Séjourné affirme hâtivement que l’unanimité prévaut au Conseil alors même que trois modes de votation régissent cette institution et que l’unanimité n’est en rien la règle générale.

Interrogé à propos des enjeux de la présidence tournante que la France exercera au Conseil de l’Union, le député européen LREM et président du groupe Renew Europe au Parlement européen a affirmé qu’en Europe c’est l’unanimité qui prévaut au Conseil. Il ajoute de ce fait qu’il craint une politique de la chaise vide (à savoir l’absence de vote) de la part de la Pologne, destinée à bloquer toute initiative européenne. Or la réalité est bien plus nuancée car il existe une protéiformité des modes de votation au sein du Conseil : l’unanimité n’est que l’exception, pas la règle.

Quelles sont les modalités de vote au Conseil ?

Le Conseil (Conseil de l’Union européenne en sa dénomination exacte) est une institution de l’Union européenne qui réunit les ministres des État membres en fonction de leurs domaines de compétence. Il exerce conjointement avec le Parlement européen les fonctions législatives et budgétaires. 

Trois types de votes existent au sein du Conseil : l’unanimité, la majorité qualifiée, la majorité simple. La majorité qualifiée est le mode de vote le plus utilisé.

Le vote à l’unanimité, l’exception

Le vote à l’unanimité est réservé aux sujets sensibles. C’est le processus par lequel les décisions ne sont prises qu’en cas d’accord exprès de tous les États membres. Ce mode est réservé à certains sujets politiques dits “sensibles”.  Il s’agit notamment de la fiscalité, la sécurité et la protection sociale, l’adhésion de nouveaux États membres, la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et la coopération policière opérationnelle entre les États membres. La liste complète de ces domaines est établie dans les traités régissant l’Union européenne. Ce sera notamment le cas pour la politique étrangère et de sécurité commune et pour établir les dispositions nécessaires à l’élection au suffrage universel direct du Parlement européen (article 223).

Par ailleurs, plusieurs dérogations existent. Ainsi des clauses dites “passerelles” peuvent permettre au Conseil de statuer à majorité qualifiée dans un domaine initialement réservé à l’unanimité si le Conseil européen (donc les chefs d’États) adopte une décision en ce sens. Également, le Conseil peut voter à la majorité qualifiée alors même qu’il est prévu qu’il vote à l’unanimité dans le cadre d’une coopération renforcée. Il lui faudra adopter une décision prévoyant qu’il statuera à majorité qualifiée. 

Le vote à la majorité qualifiée, la règle

La majorité qualifiée est le mode de prise de décision ordinaire de l’institution. Il concerne en effet plus de 80 domaines. C’est un processus de vote par lequel le Conseil peut adopter un texte dès lors qu’il y a une “double majorité”.  C’est-à-dire que pour prendre une décision, il faut que les États qui votent représentent au moins 55% du total des États, et au moins 65% de la population de l’Union européenne. 

Il existe toutefois une minorité de blocage dans ce processus de vote. Un groupe d’États (au moins quatre) peut s’opposer à un texte s’il représente au moins 35% de la population de l’Union européenne.

Le vote à la majorité simple : plus rare

La majorité simple est le mode de vote selon lequel les décisions du Conseil doivent être adoptées dès lors qu’elles parviennent à recueillir la moitié des voix plus une. C’est le moins utilisé. Il est prévu notamment pour statuer sur des questions de procédure et demander à la Commission européenne de présenter des propositions.

Cas du  Conseil européen : le vote par consensus

Enfin, il faut différencier le Conseil du Conseil européen, qui réunit les chefs d’États de l’Union européenne et définit les grandes orientations politiques de l’Union. S’agissant de ce dernier, le principe du consensus régit ses prises de décision exceptés les cas où les traités en disposent autrement. Le consensus s’obtient par l’absence de tout vote négatif. 

Contacté, Stéphane Séjourné a précisé qu’il évoquait principalement la crainte d’une politique de la chaise vide lorsque sont votées des sanctions à l’égard des Etats membres de l’Union. En effet, dans ce cadre, l’unanimité est requise par l’article 7 du Traité sur l’Union européenne. Une procédure est d’ailleurs en cours depuis 2018 à l’encontre de la Hongrie et de la Pologne. L’eurodéputé signale également qu’il soutient une réforme institutionnelle visant à réduire les domaines dans lesquels l’unanimité reste nécessaire au sein du Conseil de l’Union européenne.

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