Référendum en Russie : Vladimir Poutine veut ‘’quatre nouvelles régions russes” puisque “c’est la volonté de millions de personnes”

Création : 6 octobre 2022
Dernière modification : 14 octobre 2022

Auteur : Emeline Sauvage, journaliste

Relecteurs : Denys-Sacha Robin, maître de conférences en droit international public, Université Paris-Nanterre

Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au centre de recherches VIP, Université Paris-Saclay

Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Yeni Daimallah

Source : Le Monde, 30 septembre 2022

Le président russe a signé vendredi l’annexion de quatre nouveaux territoires ukrainiens à la suite d’un référendum organisé dans quatre régions totalement ou partiellement sous occupation militaire. Une revendication illégale aux yeux du droit international et aussitôt condamnée par les chefs d’États étrangers.

“Le choix des habitants de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson ne sera pas discuté” : c’est ce qu’a annoncé Vladimir Poutine le 30 septembre 2022 à la télévision russe. Dans un discours de 45 minutes, le président russe a officiellement signé l’annexion de ces quatre territoires ukrainiens. L’Union européenne a déjà évoqué de nouvelles sanctions suite à la déclaration d’annexion.

Un référendum illégal

“Annexion illégale”, “ les États-Unis ne reconnaîtront jamais ça” : la réaction d’Emmanuel Macron et de Joe Biden ne s’est pas faite attendre. À la suite du référendum organisé à la hâte dans l’est et le sud de l’Ukraine la semaine dernière, de nombreux chefs d’États ont affiché leur non reconnaissance de l’annexion russe de quatre nouveaux territoires. Sans surprise, à la question du rattachement des régions concernées à la Russie, les ukrainiens ont répondu ‘‘oui’’ à plus de 80 %. C’est en tout cas ce qu’affirme le Kremlin en affichant des scores frôlant dans certaines régions les 99 % de réponses positives. 

Mais derrière l’argument des référendums largement favorables à l’annexion, inspiré du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes invoqué par Poutine se cache un moyen de légitimer son “opération spéciale” en Ukraine. Le principe d’autodétermination est ici légalement irrecevable pour les pays de la scène internationale pour plusieurs raisons. “Juridiquement parlant, un État X ne peut pas annexer une portion de territoire d’un État Y, même au motif qu’un référendum aurait été organisé auprès de la portion de territoire concernée” explique Denys-Sacha Robin, maître de conférences en droit international à l’Université Paris-Nanterre. Pressions soumises aux votants, contexte de guerre, contrôle de l’information et surtout une décision de référendum unilatérale, c’est-à-dire sans l’accord de l’Ukraine : aucune condition ne permet à la communauté internationale de valider l’issue de ce référendum. 

Atteinte à la souveraineté territoriale 

L’annexion de ces territoires ukrainiens par la Russie ne change rien au droit international dans la mesure où “l’issue de ce référendum n’est absolument pas opposable aux autres États” affirme Denys-Sacha Robin. En envoyant les forces militaires sur le territoire ukrainien le 24 février, la Russie a violé le principe du non recours à la force défini par l’article 2 paragraphe 4 de la Charte des Nations Unies. Par son agression militaire qui dure depuis près de 9 mois, la Russie porte ainsi atteinte à la souveraineté territoriale de l’Ukraine et ne peut, de toute façon, en aucun cas revendiquer les territoires ukrainiens. 

Ces conditions font que l’Ukraine, telle qu’elle est reconnue aujourd’hui par le droit international, inclut les territoires revendiqués par la Russie (la Crimée depuis 2014 puis les régions de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson revendiquées depuis la semaine dernière).

Légitimer son action militaire 

Avec la tenue d’un référendum, la Russie veut se doter d’un ‘’habillage juridique’’ dans le sens où elle espère légitimer son action militaire, précise le chercheur au Centre de droit international de Nanterre Denys-Sacha Robin. Mais cela est, sans surprise, loin d’être suffisant. Au regard du droit international, les États sont tenus par une obligation de non reconnaissance de ce référendum comme de l’annexion, qui découle de la violation grave de normes internationales d’importance fondamentale. Un devoir de non reconnaissance encadré par la jurisprudence de la Cour internationale de justice qui oblige les États à ne pas reconnaître les conséquences d’une telle violation. 

Mobilisation des réservistes, retrait des troupes russes de plusieurs régions, sabotage de gazoducs et effets des sanctions européennes : l’annexion illicite de ces quatre nouveaux territoires ukrainiens s’ajoute à une série de violations des règles internationales par la Russie.

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