Crédit photo : StockSnap

Non, aucune étude scientifique ne montre que la lumière bleue des écrans provoque des cancers de la peau

Création : 4 juillet 2024

Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste

Relecteur : Clara-Robert Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, étudiante à l’École Publique de Journalisme de Tours

 

 

 

Source : Compte Instagram, 16 mars 2024

Sur Instagram, un utilisateur, affublé d’une cape rouge de super-héros, essaye bien maladroitement de rendre justice au soleil. Selon notre Icare des temps modernes, “ce qui crée des maladies et les cancers de la peau est en réalité un excès de lumière bleue artificielle”. Une allégation que ne partagent pas les spécialistes interrogés par les Surligneurs.

L’été est là, officiellement du moins, et il va de soi que les corps aiment s’alléger des vêtements à mesure que les températures grimpent. Pour autant, faut-il s’exposer librement au soleil, comme le suggère notre internaute qui n’hésite pas à affirmer que “le soleil est considéré comme dangereux” et “pouvant créer des cancers et autres maladies” alors qu’“il n’en est rien”. Pour lui, le seul coupable est “la lumière bleue artificielle”. Jugeons.

Un rapide coup d’œil à la documentation spécialisée, comme ici ou , ne laisse guère de place au doute. Aussi essentiel que soit le soleil pour la vie, il peut également se révéler dangereux pour notre santé.

Ainsi, selon le Panorama des cancers en France, publié en juillet 2023 par l’Institut national du cancer, “les rayonnements UV constituent la première cause de cancers cutanés, en particulier de mélanome. Pour limiter les risques, il est essentiel de se protéger du soleil et d’éviter les cabines de bronzage.”

Dans les chiffres, plus de 100 000 nouveaux cas de cancers de la peau sont détectés chaque année en France. “Sa forme la plus agressive, le mélanome, a vu son nombre de cas multiplié par cinq entre 1990 et 2018 pour atteindre 17 922 cas par an en 2023, étaye Jérôme Viguier, conseiller médical à l’Institut national du cancer. Cette augmentation que nous constatons aujourd’hui est une conséquence directe d’une exposition croissante aux rayons UV dans les années 80.”

“Les rayons ultraviolets, qu’ils proviennent d’une exposition naturelle avec le soleil ou artificielle avec les cabines de bronzage, sont un cancérogène certain. Il n’y a pas de débat scientifique à ce sujet.”, insiste pour sa part Olivier Merckel, chef de l’unité d’évaluation des risques liés aux agents physiques au sein de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).

Le soleil avec modération et protections

De fait, il apparaît clairement que c’est une exposition précisément “excessive” au soleil qui est dangereuse pour les hommes, et non le soleil en lui-même. “Plus on s’expose à un soleil haut dans le ciel, comme l’été en métropole par exemple, et longtemps, plus le risque de développer une tumeur de la peau augmente”, résume simplement Olivier Merckel, avant de rappeler que “personne n’est égal devant le risque”.

L’idée n’est pas de dire que les UV sont mauvais en soi, mais, comme toujours, c’est la dose qui fait le poison. “Les UV sont également indispensables à la synthèse de la vitamine D par l’organisme, vitamine essentielle à l’intégrité du tissu osseux et dont la carence est la cause du rachitisme, précise Jérôme Viguier. Une courte exposition des mains, des avant-bras et du visage, d’avril à septembre, est suffisante.”

Photo d’illustration. Mukesh GUPTA / AFP

 

Même si la première partie du raisonnement de notre internaute est plus que bancale sur les UV, les Surligneurs se sont toutefois intéressés aux autres arguments développés dans la vidéo. Deuxième mis en cause, la lumière bleue artificielle, soit la lumière “émise naturellement par le soleil, mais aussi par des lumières artificielles comme les éclairages et les objets comportant des diodes électroluminescentes (LED)”, selon la définition du ministère de la Santé. À ce sujet, la documentation scientifique est bien moins fournie. Si les dangers pour nos yeux sont bien définis, la preuve ici et (en anglais), les conséquences sur notre peau d’une trop longue exposition à la lumière des écrans l’est beaucoup moins.

Dans un document, la Commission européenne écrivait en 2018 que “les dispositifs à LED émettent des rayonnements optiques qui ne pénètrent pas dans l’organisme, mais qui pourraient endommager les yeux et la peau en fonction de nombreuses variables telles que la durée d’exposition, la longueur d’onde et l’intensité lumineuse.”

Les yeux et le sommeil, victimes de la lumière bleue

Pour appuyer ses propos, l’internaute à la cape rouge renvoie vers une étude américaine publiée sur le site du Centre national d’information biotechnologique. Or, si celle-ci indique bien, dans sa conclusion, que “les résultats de cette étude ont montré qu’une exposition quotidienne à la lumière bleue pendant un an provoquait un cancer de la peau”, notre justicier astral se garde de préciser que les effets ont été constatés sur des souris irradiées de lumière bleue en continu pendant une année entière, et non des hommes.

Ainsi, les auteurs rappellent que “de nombreux effets de la lumière bleue sur les organismes vivants sont inconnus et des recherches supplémentaires sont nécessaires, notamment en ce qui concerne les méthodes de protection.”

Cette étude montre que nous en sommes aux balbutiements de la recherche sur ce sujet. Pour Olivier Merckel, “il n’existe aujourd’hui aucune démonstration quant à un quelconque effet de la lumière bleue, artificielle ou naturelle, sur les cancers de la peau.”

Il y a néanmoins un point sur lequel la publication ne se trompe pas. Ce sont les effets néfastes de la lumière bleue sur le rythme circadien, autrement dit le rythme biologique. “L’exposition à la lumière bleue à des moments inopportuns, c’est-à-dire en soirée ou la nuit, peut entraîner une perturbation de l’horloge biologique. Cette perturbation peut avoir divers effets sanitaires comme une moins bonne qualité de sommeil et une réduction du temps de sommeil total”, indique Dina Attia, cheffe de projet scientifique pour l’Anses.

La Commission européenne, dans son avis de 2018, signalait que “certains éléments indiquent que l’utilisation de LED en soirée peut influer sur la qualité du sommeil, mais il faudrait à cet égard tenir compte aussi de l’activité réalisée avec un tel éclairage. Par exemple, quand on regarde un film sur une tablette, il se peut que ce ne soit pas la lumière LED qui perturbe le sommeil mais bien le film lui-même.”

Enfin, au-delà des troubles du sommeil, d’autres effets sanitaires peuvent être imputés à la lumière bleue, à en croire cette infographie réalisée par le ministère de la Santé. “Un sommeil perturbé pourrait entraîner de nombreuses conséquences sur la santé, comme des troubles métaboliques (par exemple, risque potentiellement augmenté de diabète ou d’obésité)”, y est-il, entre autres, mentionné.

En résumé, cet été, profitez du soleil avec retenue pour le bien de votre peau, et pensez à faire une cure numérique pour celui de vos yeux et de votre sommeil. 

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