Crédits photo : Gage Skidmore (CC 2.0)

Marion Maréchal souhaite “la priorité nationale dans les marchés publics”

Création : 10 avril 2024
Dernière modification : 12 avril 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Relecteurs : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur au centre de recherche VIP, Université Paris-Saclay

Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay 

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Source : France 24, 10 avril 2024

La préférence nationale est contraire au droit européen et au principe d’égalité. Toutefois, il est possible de donner la priorité au local dans les marchés publics pour des raisons sociales ou environnementales.

Le deuxième débat en vu des élections européennes, qui se tiendront du 6 juin 9 juin, a lieu ce soir, sur RFI et France 24. Les 8 têtes de listes invitées sont venues défendre leur programme. Seul Jordan Bardella, chef de file du Rassemblement Nationale, n’est pas présent.

Marion Maréchal, tête de liste Reconquête, demande la priorité nationale dans les marchés publics. Or, aussi bien le droit de l’Union européenne que le principe constitutionnel d’égalité sont incompatibles avec la notion de préférence nationale dans la commande publique.

Le droit européen et la Constitution interdisent de donner la priorité au local dans la commande publique

Le droit de l’Union européenne (article 18 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), qui prohibe toute “discrimination exercée en raison de la nationalité“, interdit d’instaurer une politique de préférence nationale en matière économique. Par conséquent, la Cour de justice de l’Union européenne interdit les mesures nationales qui réservent l’attribution de marchés publics aux seules entreprises  disposant d’une implantation dans le pays. Par exemple, la justice européenne avait jugé en 2017 qu’un hôpital public, qui lançait un appel d’offres pour se fournir en médicaments, ne pouvait imposer que l’approvisionnement soit exclusivement d’origine nationale. Cette règle vaut pour l’État mais aussi pour les collectivités territoriales.

De même, l’égalité de traitement entre les entreprises et la liberté d’accès aux marchés publics sont des principes fondamentaux de la commande publique, à valeur constitutionnelle comme l’a jugé le Conseil constitutionnel : Ces règles découlent de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, un texte qui a la même valeur que la Constitution. Une commune qui choisirait un prestataire pour un motif strictement géographique verrait donc son marché annulé par les tribunaux. Le maire qui aurait détourné une procédure de marché public pour favoriser une entreprise locale pourrait même voir sa responsabilité engagée sur le plan pénal : il s’agit d’un cas de délit de favoritisme.

Le local peut être pris en compte, mais seulement pour des raisons environnementales ou sociales 

S’il n’est pas possible de faire de la présence en France un critère d’attribution des marchés publics, il est en revanche possible de prévoir des mesures indirectes compatibles avec le droit européen. Plusieurs lois récentes vont dans ce sens. Par exemple, la loi ASAP, adoptée en 2020, réserve une partie de certains grands marchés publics aux TPE-PME : de fait, les TPE-PME qui sont dans un autre État membre de l’Union européenne, voire étrangères, n’auront pas toujours les moyens de présenter une candidature en France, ce qui favorise indirectement les PME nationales et locales. 

De même, la loi Climat renforce la place des critères liés à l’environnement dans la commande publique (par exemple les circuits courts ou la réduction des transports) ce qui peut avoir pour effet de favoriser des entreprises locales ou des entreprises de l’économie sociale et solidaire. En privilégiant les entreprises de l’économie circulaire ou une gestion responsable des déchets, tel que l’autorisent le Code de la commande publique et le Code de l’environnement, l’acheteur public peut, parfois, indirectement favoriser des entreprises locales, sans que la localité ne soit un critère “en soi”, et surtout sans poser de critère de nationalité. 

À noter enfin, le droit européen autorise déjà un acheteur public à privilégier les entreprises européennes par rapport à des entreprises extra-européennes, dans le but de protéger l’environnement ou pour des considérations sociales.

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