Manon Aubry (tête de liste LFI aux européennes) souhaite sortir du marché de l’électricité

Création : 19 mars 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier

Source : Grand débat des élections européennes, Public Sénat, 14 mars 2024

Le marché européen de l’énergie est régi par la législation européenne, qui ne prévoit pas qu’on puisse en sortir, sauf à s’exposer à de lourdes amendes. Deux solutions : négocier avec les autres États membres, ou sortir de l’UE.

Mesure phare du programme de la liste LFI aux élections européennes en matière d’énergie et de pouvoir d’achat, Manon Aubry propose de sortir du marché européen de l’électricité. Une proposition pas si neuve car elle figurait déjà dans le programme présidentiel de Marine Le Pen en 2022 (que nous avions surlignée). La mesure se heurte à de nombreux obstacles juridiques.

Le marché européen de l’énergie s’impose à tous les États membres

Le marché intérieur de l’énergie de l’Union est fondé sur le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (articles 114 et 194) adopté en 2007. Plus récemment, le règlement sur le marché intérieur de l’électricité, adopté en 2019 par le Parlement européen et le Conseil – qui réunit les États membres – en a modifié les règles. Le but affiché est de garantir son bon fonctionnement et sa compétitivité, mais aussi de soutenir la décarbonation du secteur énergétique de l’Union européenne, en supprimant les obstacles aux échanges transfrontaliers d’électricité et en permettant la transition vers une énergie propre. Le tout en honorant les engagements pris lors de l’Accord de Paris sur le Climat. Or, aucun de ces textes européens ne permet à un État membre de se retirer du marché européen de l’énergie.

Sauf si…

Deux voies légales existent pour faire échapper l’électricité à ce marché : d’abord convaincre le Parlement européen et une majorité suffisante d’États de réformer le système existant. Cela nécessiterait un nombre suffisant d’alliés au sein de l’Union européenne pour soutenir la réforme et la faire voter. C’est ce qu’ont fait l’Espagne et le Portugal.
Autre possibilité ensuite, le retrait français de l’Union européenne, projet qui ne figure pas dans le programme de LFI.
Une troisième voie existe : la désobéissance. Mais elle n’est pas légale.

Enfreindre le droit européen, avec à coup sûr des sanctions financières

La France pourrait décider d’enfreindre en toute connaissance de cause le droit européen. La Commission européenne réagirait certainement en lançant des procédures d’infraction. La Cour de justice de l’Union européenne pourrait alors intervenir avec pour conséquence ultime des sanctions financières pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de millions d’euros. Et si le gouvernement refuse de payer, la Commission pourra déduire cette amende des subventions qu’elle verse chaque année à la France.

Mieux vaut donc négocier une dérogation sur le modèle espagnol, même si la désobéissance – le droit n’est pas incompatible avec le réalisme – peut aider dans cette négociation.

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