Loi “anti-squats” supprimée par le Nouveau Front Populaire : “Vous pourrez partir en vacances et voir à votre retour des squatters dans votre logement sans les faire expulser”
Dernière modification : 26 juin 2024
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Source : Compte X de Réalité Actuelle, 15 juin 2024
Même si la loi “anti-squat” de 2023 est supprimée, il sera possible d’expulser des squatteurs de son logement, mais après une longue et complexe procédure.
Dans son programme pour les élections législatives anticipées, le nouveau Front Populaire propose de supprimer la loi “anti-squat” du 27 juillet 2023. Plusieurs internautes s’en alarment : selon eux, si cette loi est abrogée, des squatteurs pourront entrer dans un domicile sans que l’on puisse les en déloger. Comme nous avons déjà pu le démontrer, cette affirmation est à nuancer.
Le “squat” c’est quoi ?
Un local est présumé squatté lorsqu’il est occupé par des personnes n’ayant pas conclu de contrat de location avec le propriétaire. Il faut faire une distinction essentielle entre le locataire mauvais payeur, c’est-à-dire qui ne paie plus son loyer et qui ne respecte donc plus le contrat de bail, et le squat à proprement parler, c’est-à-dire une personne qui s’est introduite frauduleusement chez une autre personne pour y habiter, sans contrat.
Le fait pour une personne de s’introduire dans le domicile d’autrui (qu’il s’agisse ou non de sa résidence principale) à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes est en principe puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende (Art. 226-4 du code pénal). Le fait de se maintenir ensuite dans le domicile est puni des mêmes peines (même article).
Quels sont les apports de la loi “anti-squat” ?
La loi du 27 juillet 2023 a renforcé la lutte contre les squats, même si ce n’est pas le seul instrument juridique qui permet de protéger les propriétaires. Elle étend la protection des propriétaires aux résidences secondaires en appliquant les sanctions pénales aux cas de squat d’une telle résidence. La loi de 2023 crée de nouvelles infractions : elle punit l’occupation frauduleuse d’un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel et les locataires en impayés de loyer restés dans le logement à l’issue d’un jugement d’expulsion devenu définitif.
Les limites de la loi actuelle “anti-squat”
Expulser soi-même un squatteur reste un délit, et la loi de 2023 ne revient pas là-dessus : le délit d’expulsion illégale a été créé par la loi ALUR du 24 mars 2014. Le propriétaire serait paradoxalement lui-même considéré comme l’auteur d’une violation de domicile car il serait considéré comme expulsant quelqu’un de son lieu d’habitation au sens de l’article 226-4-2 du code pénal. Autrement dit, bien que le squatteur viole la loi, le propriétaire ne peut pas “se faire justice lui-même”, au risque de commettre à son tour un délit. D’autant que les squatteurs peuvent être des familles avec enfants : les jeter dehors par la force peut les mettre en danger.
Le propriétaire peut demander l’aide des forces de l’ordre en cas de flagrance (c’est-à-dire une intrusion dans une résidence en présence de témoins : article 53 du code de procédure pénale), mais c’est évidemment très rare. Le propriétaire peut aussi recourir au préfet ou au juge, mais les conditions sont à chaque fois strictes et la procédure longue. Précisons qu’un squatteur ne peut pas se prévaloir de la trêve hivernale (depuis la loi ELAN) et ne peut pas opposer le droit au logement au propriétaire du local pour se défendre et faire obstacle à l’expulsion (Cour de cassation, 4 juillet 2019). Mais cela aussi pourrait changer si la loi de 2023 était abrogée, car de nouveaux droits pourraient être reconnus aux squatteurs.
En tout état de cause, il sera toujours possible de récupérer son logement si celui-ci est squatté, même si la loi anti-squat de 2023 est abrogée, mais cela restera toujours un parcours du combattant pour les propriétaires en question.
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