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Les étrangers qui arrivent en France peuvent-ils bénéficier d’une retraite de 1 257€ par mois ?

Création : 19 avril 2024

Autrice : Lili Pillot, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier

Source : Compte Facebook, 9 avril 2024

Cette information, qui circule depuis 2013 selon le journal Libération, est encore largement relayée sur des chaînes de posts Facebook en 2024. Elle est pourtant fausse.

Ça commence un peu comme une chaîne douteuse de SMS au début de l’ère du téléphone portable : “Avec seulement 1 envoi à 5 contacts […] vous serez chacun à l’origine dans 3 mois d’1 Million de Mails !! et 48 millions en 6 Mois !!“, “A DIFFUSER TRÈS VITE, alerte un post Facebook du 9 avril 2024.

Et ça finit de la même manière, avec une fausse information à la clef : “1.257 EUR de retraite pour les étrangers n’ayant jamais travaillé !!!! Information de l’AGIRC et ARCCO.”

Cette affirmation, mensongère et déjà démentie à plusieurs reprises par l’organisme de retraite complémentaire des salariés, continue de traverser les époques. Datée de 2013, selon nos confrères du journal Libération, elle circule encore en 2024 dans des centaines de posts Facebook.”Ce message n’émane en aucune façon de l’Agirc-Arrco“, répète inlassablement la fédération par mail, aux Surligneurs.

Dans le post qui a attiré notre attention, “Bercy“, le ministère de l’Économie et des Finances, aurait l’intention de créer un nouvel impôt, la “Contribution Solidaire Chômage (C.S.C)” afin de financer la retraite des étrangers tout juste arrivés sur le sol français et n’ayant jamais cotisé.

Et pour ce faire, toutes les retraites seraient graduellement ponctionnées : 5% pour celles “entre 1801 et 2500 euros” et jusqu’à 20% de ponction pour les retraites “au-dessus de 4501 euros, affirme le message. Sauf que ça ne tient pas la route…

Pas de retraite complémentaire sans cotisation

D’abord, l’Agirc-Arrco rappelle que “seules les personnes qui ont exercé une activité salariée dans les entreprises privées obtiennent des droits à une retraite complémentaire en contrepartie des cotisations versées.”  Il n’existe donc pas de “retraites” pour des personnes, notamment des étrangers, “n’ayant jamais travaillé” ou n’ayant “jamais cotisé.”

Ensuite, comme l’ont rappelé nos confrères de 20 Minutes et de l’AFP, ces publications font une confusion entre une retraite supposée pour les étrangers et le montant maximum de l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), une prestation bien réelle cette fois. Elle est “accordée aux retraités ayant de faibles ressources et aux personnes reconnues inaptes au travail, peut-on lire sur le site du gouvernement.

Ce minima social non contributif (c’est-à-dire qui n’est pas lié à des cotisations mais au principe de solidarité) fonctionne à la manière du revenu de solidarité active (RSA). Comme nous allons le voir, il peut être accordé aux personnes âgées sans revenu ou avec une retraite très faible, sans condition préalable de cotisation. Il est également revalorisé au fil des années, notamment pour s’adapter à l’inflation mais aussi au seuil de pauvreté. Des étrangers peuvent donc en bénéficier, mais sous certaines conditions.

Conditions strictes de l’ASPA

Dans le détail, percevoir l’ASPA n’est pas chose aisée. Il faut en effet avoir 65 ans (sauf exceptions), résider en France et surtout avoir de faibles ressources : “C’est la principale condition : il ne faut pas dépasser un certain revenu, explique Lola Isidro, maîtresse de conférences en droit à Paris Nanterre et auteure d’une thèse sur “L’étranger et la protection sociale.”  En 2024, ce seuil légal est fixé à 1 012,02 € brut mensuel, indique le site de l’assurance retraite.

Si le bénéficiaire n’a aucun revenu, il peut recevoir le maximum de cette allocation, à savoir 1 012,02 € par mois. Cette somme augmente jusqu’à 1 571,16 € pour un ménage ou un couple, précise une circulaire de l’assurance retraite publiée au 1er janvier 2024.

En revanche, si le bénéficiaire possède un revenu qui n’excède pas le seuil légal, le montant maximum de l’ASPA sera déduit : on dit que c’est une allocation différentielle. Par exemple, si vous touchez 650 €, vous recevrez une allocation ASPA de 362,06 € pour arriver au seuil maximal, à savoir 1 012,02 €.

Une situation durcie depuis 2023

En plus de cette condition de revenu, le bénéficiaire doit résider en France de manière stable et régulière, c’est-à-dire pendant au moins neuf mois sur une année civile. Une période rallongée de trois mois par le gouvernement depuis le 1er septembre 2023, selon un décret publié en août dernier.

Pour les étrangers européens, il suffit d’être un “ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen (Islande, Norvège, Liechtenstein) ou de la Confédération suisse“, indique le site du gouvernement.

Mais s’agissant des étrangers non européens, “il y a [en plus] une condition de régularisation du titre de séjour autorisant à travailler, [valable depuis] au moins 10 ans sur le territoire français, détaille la maîtresse de conférences Lola Isidro. Ainsi, contrairement aux affirmations des posts sur Facebook, il ne suffit pas à un étranger d’arriver sur le territoire pour réclamer l’ASPA et encore moins pour toucher une retraite.

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