Le sénateur Bruno Retailleau, en réponse aux violences en banlieue parisienne : “là où il y a problème il faut un couvre-feu”
Dernière modification : 20 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Source : France Inter, Invité de 8h20, 23’15’’
Le couvre-feu est un outil de maintien ou de rétablissement de l’ordre public, réservé aux incidents d’une ampleur exceptionnelle et se prolongeant dans le temps. C’est une atteinte grave aux libertés, réservée aux atteintes tout aussi graves à l’ordre public. Les violences de ces deux derniers jours répondent-elles à ces conditions exigées par le juge ? À ce stade, pas sûr du tout. C’est au préfet d’en juger ou au maire, sous le contrôle du juge.
Le Sénateur LR Bruno Retailleau réagissait ainsi aux incidents du 20 avril dans les Hauts-de-Seine, consécutifs à la collision entre un motocycliste et une voiture de police. Indépendamment de la collision même et de ses circonstances, Bruno Retailleau visait les violences qui ont ensuite éclaté et fait des dégâts notamment sur les équipements publics, notamment à Gennevilliers.
Pour autant, le sénateur va un peu vite en besogne : le couvre-feu est bien un outil de maintien et de rétablissement de l’ordre public là où il est instauré, mais il ne peut justement être instauré que dans certaines circonstances locales. Le juge a déjà validé bien des couvre-feux liés à des troubles dans certains quartiers, mais il a toujours vérifié que ces mesures étaient proportionnées à l’ampleur des troubles. En clair, ces couvre-feux ne visaient que certaines catégories de personnes (les mineurs de moins de treize ans par exemple), dans certains quartiers où se produisaient des troubles exceptionnels, et pas des villes entières (exemple à Orléans, c’était en 2001 avec l’aval du juge).
Le couvre-feu suppose aussi que les moyens classiques de police ne suffisent pas à contenir les violences, et que ces dernières s’inscrivent dans la durée, comme c’était le cas dans les affaires précédentes (« émeutes » dans certaines banlieues). Le juge a ainsi annulé un couvre-feu à Béziers, motivé par des incidents certes récurrents mais qui n’avaient rien d’exceptionnel (Conseil d’État, 2018). En somme, le couvre-feu, très attentatoire aux libertés, est un moyen de police exceptionnel devant être réservé aux incidents exceptionnels et prolongés.
C’est au préfet mais aussi au maire de l’instaurer, sous le contrôle du juge. Le fait qu’on soit sous confinement pourrait donner un argument de plus à Bruno Retailleau en raison des risques accrus de contamination, y compris pour les forces de l’ordre. Mais une chose est sûre : les troubles actuels, tels que décrits par la presse, ne sont pas comparables à ceux qui ont justifié les couvre-feux validés par le juge jusqu’à présent. C’est sous ces importantes réserves qu’un couvre-feu peut être envisagé.
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