Lancement de la Conférence sur l’avenir de l’Europe : quelle ambition, quels moyens ?

Création : 19 avril 2021
Dernière modification : 22 juin 2022

Autrice : Justine Coopman, rédactrice Europe

Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au laboratoire VIP (Paris-Saclay)

Ce mardi 19 avril, la plateforme participative de la Conférence sur l’avenir de l’Europe a été lancée. Pendant un an, elle permettra à tous les citoyens européens de participer à des débats qui les intéressent. 

Le succès d’un tel événement dépend principalement de l’ampleur de la participation citoyenne et de la réponse politique apportée en retour. 

La plateforme participative est disponible dès maintenant mais le premier événement officiel de la Conférence aura lieu le 9 mai, date de la journée de l’Europe, en souvenir de la déclaration de Robert Schuman en 1950 qui marque le début de la construction communautaire. 

Pourquoi une Conférence sur l’avenir de l’Europe ?

Cette initiative fait suite à un regain d’intérêt pour les sujets européens. Le Parlement européen et la Commission perçoivent cet intérêt à travers la hausse importante de la participation aux élections européennes de 2019 et au travers des sondages. Selon la dernière étude d’opinion du CEVIPOF de février, 42% des français auraient très confiance ou plutôt confiance en l’Union européenne soit une hausse de 14% par rapport à décembre 2018. La confiance dans les institutions nationales, elle, ne dépasse pas les 39 %.

Pour ses promoteurs, la Conférence devrait être l’occasion d’appréhender les défis auxquels l’Union fait face. Ce vaste chantier inclurait des débats sur des sujets aussi variés que l’immigration, les droits fondamentaux, le numérique, le changement climatique ou encore la sécurité et la place de l’Union européenne dans le monde. 

Sur l’aspect tenant à la démocratie européenne, le Parlement européen et la Commission avaient proposé la mise en place de listes transnationales avec un système de candidat chef de file. Bien que la déclaration commune qui est le texte qui acte la création de la Conférence, ne mentionne pas spécifiquement ces sujets, elle indique que “les citoyens restent libres de soulever les questions supplémentaires qui leur importent”. Cette liberté de soulever d’autres questions a-t-elle pour limite la révision des traités ?

Une révision des traités possible mais peu probable

Juridiquement, la position n’est pas arrêtée. En effet, la révision des traités n’est pas mentionnée dans la déclaration conjointe comme le soulignent l’eurodéputé (Renew) Guy Verhofstadt et l’actuelle secrétaire d’État aux affaires européennes du Portugal, Ana Paula Zacarias en conférence de presse. Donc, rien n’empêche les institutions d’opérer les révisions nécessaires pour tirer les conséquences des demandes citoyennes.

Toutefois en pratique, il faudrait l’unanimité des États membres qui, en février dernier, lorsqu’ils exprimaient leur position vis-à-vis de la Conférence, soulignaient leur attachement au strict respect des compétences prévues dans les traités. 

La révision des traités est un enjeu fondamental puisque nombre de préoccupations nécessitent une révision des traités. C’est le cas par exemple de la suppression de l’unanimité pour l’harmonisation fiscale qui est une demande d’une part de la société civile mais aussi de la Commission ou encore de l’évolution des critères de Maastricht concernant la discipline budgétaire. 

Comment la Conférence entend-elle remplir ses objectifs ?

Des organes seront créés spécifiquement pour l’occasion : une assemblée plénière, des agoras citoyennes dont des agoras spécifiques pour la jeunesse, un comité de pilotage et un conseil d’administration et de coordination. 

L’objectif principal de la Conférence étant le renforcement de la démocratie européenne, elle doit être identifiable par tous. Mais ce n’est pas le ou la présidente de cette Conférence qui pourra lui donner de la visibilité et l’incarner, puisqu’en raison des désaccords au sein du Conseil, les États membres ont finalement tranché pour la solution la plus consensuelle : désigner 3 présidents à la tête de cette Conférence. Il s’agira des représentants de chaque institution : Ursula Von der Leyen pour la Commission, David Sassoli pour le Parlement européen et le premier ministre du Portugal Antonio Costa pour le Conseil (la présidence du Conseil change tous les 6 mois).

Pour renforcer la démocratie, la Conférence entend placer le citoyen au cœur de son projet. Toutefois, rien n’est précisé sur le nombre de représentants de citoyens qui seront conviés à ces séances, ni s’ils peuvent avoir une influence sur l’ordre du jour (comme cela avait été demandé dans une lettre ouverte par un collectif des chercheurs dans les colonnes du Grand continent). Les séances plénières auront une importance particulière puisqu’elles devront tirer les conclusions de la Conférence. 

Enfin, pour remplir son second objectif qui est de repenser l’Europe, les institutions s’engagent à apporter une réponse aux propositions qui seront faites par un mécanisme de retour d’information. Ce mécanisme donnerait une suite aux propositions faites par les citoyens lors des divers débats. Mais il reste à préciser les modalités d’un tel retour d’information : qui, quand, comment ? On sait que l’exercice peut être parfois décevant, comme en témoignent en France le projet de loi climat qui ne reprend pas toutes les propositions de la Convention citoyenne sur le climat, ou les Initiatives citoyennes européennes qui sont rarement suivies d’effets.

Une conférence ouverte, inclusive et transparente ?

La conférence se veut ouverte. Tous les acteurs sont invités à participer : autorités européennes, nationales, régionales, locales, les parlements, la société civile, les ONG, et même les groupes de réflexion. Afin d’assurer le caractère inclusif de la démarche, une multitude de conférences, événements et débats permettront au citoyen européen de participer. Au niveau européen, des panels de citoyens représentatifs participeront aux travaux.

Côté transparence, tous les documents concernant la conférence seront publiés et traduits dans chaque langue, et une plateforme numérique multilingue aura pour but de centraliser l’ensemble des informations et de diffuser les débats en direct. Cette plateforme inaugurée aujourd’hui permet d’organiser des événements, d’y assister et de partager des idées. 

Néanmoins, ces principes devant guider la Conférence se heurtent à des critiques en raison de sa durée. Elle devait débuter le 9 mai 2020 pour deux ans mais a été reportée plusieurs fois en raison de la crise due à l’épidémie de Covid-19. Le report a eu pour conséquence une réduction de moitié de la durée, ce qui, selon certains spécialistes comme le professeur de droit européen Alberto Alemanno, semble “une mission impossible, ou au pire un simple exercice de cases à cocher” étant donné l’ampleur des objectifs assignés à la consultation.

Citoyens et élus auront sans doute un rôle important à jouer dans cette Conférence sur l’avenir de l’Europe afin de faire mentir les pronostics et d’en faire un événement politique réellement utile. 

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