Gauthier Bouchet, CC 3.0

Julien Rochedy : “Louis XX doit monter sur le trône”

Création : 3 février 2024
Dernière modification : 6 février 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, Université de Poitiers

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier

Source : Compte X de Julien Rochedy, 21 janvier 2024

Notre Constitution interdit de réviser la Constitution dans l’optique de rétablir la Monarchie. Seule alternative : contourner l’interdiction au moyen d’une double révision ou la méconnaître frontalement au moyen d’une révolution juridique.

En voilà une proposition originale ! Julien Rochedy, militant classé à l’extrême-droite, appelle au retour sur le trône de France et de Navarre de la dynastie Bourbon en la personne de Louis-Alphonse de Bourbon, qui revendique le nom royal de Louis XX. Si l’on a bien conscience que la Restauration n’est pas une préoccupation immédiate de la plupart des Français, étudions tout de même sa faisabilité en droit.

Pour transformer notre République en Monarchie, même parlementaire et donc démocratique, il faudrait modifier les dispositions de la Constitution de 1958 relatives au Président de la République, en le remplaçant par un monarque et en modifiant son mode de désignation (l’élection remplacée par un titre héréditaire). Or, la révision constitutionnelle, régie par l’article 89 de la Constitution, peut porter sur tous les sujets, sauf un : la forme républicaine du gouvernement. Depuis l’instauration de la IIIe République, ce principe est repris à la lettre dans les lois constitutionnelles de 1875 (depuis la loi du 14 août 1884), dans la Constitution de 1946, et dans celle de 1958 : “La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision“. Une limite a priori claire : on peut tout modifier dans le fonctionnement de l’Etat, mais “pas touche” à la République (article 89, alinéa 5). Étant entendu que la forme républicaine du gouvernement correspond à un régime dans lequel la fonction de chef d’Etat est élective et non héréditaire comme dans une monarchie.

La forme républicaine du gouvernement, régime juridiquement provisoire ?

Certains constitutionnalistes considèrent qu’il serait tout de même possible de rétablir un régime dans lequel le chef de l’Etat (Empereur ou Roi) serait désigné par l’hérédité. Il faudrait, pour cela, modifier la Constitution en deux temps. Une première révision de la Constitution serait nécessaire pour supprimer le cinquième alinéa de l’article 89 qui interdit de revenir sur la forme républicaine du Gouvernement. En effet, selon eux, s’il est contraire à la Constitution de mettre fin à la forme républicaine du gouvernement, il n’est pas interdit de supprimer le texte qui interdit de mettre fin à cette même forme républicaine. Une deuxième révision de la Constitution remplacerait la forme républicaine par un régime monarchique.

La forme républicaine du Gouvernement : régime juridiquement définitif ?

Selon d’autres constitutionnalistes, l’alinéa 5 de l’article 89 constitue une clause constitutionnelle intangible. Il en résulte que, sauf à méconnaître cette disposition, il serait impossible de revenir sur la forme républicaine du Gouvernement, dans le cadre d’une révision partielle comme dans le cadre d’une révision totale de la Constitution. Le procédé de la révision en deux temps constituerait, par conséquent, un détournement de procédure. Sauf à avaliser ce qui s’apparenterait à un coup d’Etat ou, pour exprimer les choses de façon moins dépréciative, une révolution juridique, le rétablissement de la monarchie serait donc juridiquement impossible.

Pourtant les révolutions juridiques, entendues comme des révisions de la Constitution contraires à la Constitution en vigueur, sont fréquentes. Que l’on pense, par exemple, à la Constitution de 1958, adoptée en méconnaissance de la procédure de révision prévue par la Constitution de 1946. Elles n’en sont pas moins, selon ces juristes attachés au respect de la lettre des textes, inconstitutionnelles. Partant, il est tentant de donner raison à Julien Rochedy dans son appel à mettre Louis-Alphonse de Bourbon sur le trône : “La plaisanterie a assez duré comme ça“. 

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