Dissolution : les députés ont-ils droit au chômage ?

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Création : 12 juin 2024

Autrice : Clotilde Jégousse, journaliste

Relecteur : Pascal Caillaud, chargé de recherche CNRS, Laboratoire Droit et Changement social, Nantes Université

Le droit du travail ne s’applique pas aux locataires de l’Assemblée nationale. Après avoir touché leurs dernières indemnités le 31 juillet prochain, certains seront toutefois éligibles à une allocation spéciale, créée en 2018.

Sous les fenêtres du Palais Bourbon, les cartons, sacs en plastique et rapports avortés s’amoncèlent. Les bureaux des 577 députés doivent être vidés au plus vite, après l’annonce de la dissolution par le Président de la République, dimanche 9 juin à 20 heures. Élus à la suite des élections présidentielles de 2022, les représentants de la Nation pensaient pourtant exercer leur mandat – et toucher leur indemnité, jusqu’en 2027. Simple vue de l’esprit : un mandat politique, en particulier celui des députés, ne s’accompagne d’aucune sécurité de l’emploi. 

“Le code du travail ne leur est pas applicable”

Depuis l’arrêt dit “Bardou” rendu par la Cour de Cassation le 6 juillet 1931, la dépendance économique vis-à-vis d’un employeur ne permet plus de caractériser un contrat de travail. L’existence d’un lien de subordination est indispensable. Pour que ce lien soit établi, le travail doit être effectué sous l’autorité d’un employeur qui donne des directives, les contrôle et les sanctionne. Puisque ce n’est – heureusement – pas le cas des élus, “le code du travail ne leur est pas applicable”, explique Jean-Pierre Camby, Professeur associé de droit et ancien administrateur de l’Assemblée nationale. 

Pour le juriste, en prononçant la dissolution, Emmanuel Macron a purement et simplement rompu le lien qui unissait les députés à l’Assemblée. “Par conséquent, ils cessent de percevoir leur indemnité parlementaire, leur indemnité de frais de mandat et les prestations annexes”, développe Jean-Pierre Camby. Depuis le 1er janvier, l’ensemble s’élève à 7 637,39 euros brut mensuels. 

Les services du Palais Bourbon précisent aux Surligneurs qu’il n’y a “pas de différence entre un député dont le mandat prend fin parce que l’Assemblée est dissoute, et un député qui n’est pas réélu. C’est un seul et même cas de figure”. Selon le fonctionnement interne de l’Assemblée, les députés sont indemnisés jusqu’à la fin du mois qui suit la cessation de leur mandat, en l’occurrence jusqu’au 31 juillet prochain. Indemnité qui ne pourra d’ailleurs pas servir aux candidats à financer leur campagne pour les prochaines élections législatives. “C’est une interdiction formelle”, indique Jean-Pierre Camby, en référence à l’article L.52-8-1 du code électoral

Allocation “retour à l’emploi”

Toutefois, à partir du 1er août, “les députés qui n’ont pas été réélus seront éligibles à une allocation d’assurance mutuelle de retour à l’emploi”, expliquent les services de l’Assemblée. À condition qu’ils aient quitté leur activité professionnelle – les enseignants, comme les autres fonctionnaires, sont par exemple placés en situation de disponibilité pendant la durée du mandat et récupèrent ensuite leur poste – et qu’ils n’aient pas atteint l’âge légal de départ à la retraite. 

Depuis une réforme du 1er janvier 2018, le montant de l’allocation est aligné sur l’assurance chômage classique. Les députés cotisent tous les mois à hauteur de 1% de leur indemnité, ce qui leur permet de toucher, pendant 18 mois maximum – 22,5 lorsque l’ancien député a plus de 53 ans et 27 lorsqu’il a 55 ans et plus – 57% de l’indemnité parlementaire, soit 4 353,31 euros. 

Quant aux collaborateurs parlementaires, qui relèvent du droit du travail puisqu’ils sont liés au député employeur par une relation de subordination, l’article 19 de la loi de 2017 pour la confiance dans la vie politique prévoit que “la cessation du mandat du parlementaire constitue un motif spécifique de licenciement du collaborateur reposant sur une cause réelle et sérieuse”. Cela leur donne droit au chômage, ainsi qu’à une indemnité à hauteur d’un quart de mois de salaire par année d’ancienneté, versée par l’Assemblée nationale. 

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