Candidats aux municipales 2020 : du non-cumul à l’organisation des cumuls

Création : 17 février 2020
Dernière modification : 20 juin 2022

Autrices : Lucie Mendes et Camille Chopart, étudiantes à Sciences Po Saint-Germain, sous la direction de Camille Morio, maîtresse de conférences en droit public à Sciences Po Saint-Germain.

Dès 1985, une première loi de non-cumul posait des limites aux cumuls de mandats après la grande décentralisation de 1982. Ensuite, il a fallu attendre une loi organique de  2014 pour limiter plus sévèrement le cumul des mandats par les députés, sénateurs et élus locaux, face à un phénomène de rejet social de cette accumulation de mandats par certains élus. Ceux-là mêmes qui justifiaient les cumuls par une meilleure connaissance des différents enjeux (locaux et nationaux), s’illustraient et se décrédibilisaient en même temps par leur absentéisme aux différentes assemblées.

Quelles sont donc les règles actuelles de cumul ?

Les cumuls par les députés

Une cinquantaine de députés ont annoncé leur candidature aux municipales de 2020. Cela est parfaitement légal car la règle du non-cumul interdit de cumuler, mais n’interdit pas de candidater. En revanche, un parlementaire ne peut siéger à l’Assemblée et avoir une fonction exécutive locale. Par exemple il n’est pas possible d’être député et président d’un conseil départemental, régional ou d’être maire. La loi prévoit que, s’il est élu à une fonction exécutive, le député devra quitter dans les 30 jours la fonction qu’il occupait anciennement ; s’il ne le fait pas, la fonction acquise à la date la plus ancienne prendra fin automatiquement. En l’occurrence, le maire nouvellement élu sera remplacé à l’Assemblée par son suppléant. Si le suppléant refuse ou démissionne, une élection législative partielle doit être organisée.

Le mandat de conseiller municipal n’est, lui, pas incompatible avec le mandat de député, mais certaines limites existent. Parmi celles-ci, le député ne peut pas être conseiller municipal et membre d’une autre assemblée délibérante locale (par exemple conseiller régional) s’il se trouve dans une commune de plus de 1000 habitants.

Les cumuls des membres du gouvernement

De nombreux membres du gouvernement actuel et même le premier d’entre eux ont annoncé leur candidature. Celle-ci n’est pas illégale et il leur est même possible de cumuler leur fonction au gouvernement avec un mandat municipal. En effet, l’article 23 de la Constitution dispose que «Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de tout mandat parlementaire, de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national et de tout emploi public ou de toute activité professionnelle.»

Problème, aucune loi n’étant intervenue pour préciser cette interdiction. Faute de règle, des pratiques coutumières sont apparues, pouvant varier selon les gouvernements successifs.

Ainsi, depuis le gouvernement Raffarin (sous Jacques Chirac), les ministres avaient pour instruction de ne pas se présenter aux élections locales, mais cela n’a pas été le cas sous la présidence de Nicolas Sarkozy. De son côté, Édouard Philippe a énoncé les règles pour son gouvernement, pour les prochaines municipales. Ainsi, les ministres sont autorisés à faire campagne à partir de janvier 2020. Ils devront concilier leur fonction ministérielle et leur campagne. S’ils sont élus à une fonction de maire, ils ne pourront pas cumuler les deux fonctions. Toutefois, aucune disposition ne les empêche de choisir un colistier qui prendrait leur place de maire le temps qu’ils finissent leur premier mandat. S’ils sont élus comme conseillers municipaux, ils n’auront pas à démissionner de leur fonction ministérielle.
Enfin, dans le cas d’une défaite, Matignon n’oblige pas ses ministres à démissionner, mais il leur est cependant fortement conseillé d’ « en tirer les conséquences », qu’ils soient têtes de liste ou non.

Édouard Philippe a annoncé sa propre candidature à la mairie du Havre, ce qui n’est pas une première pour un premier ministre : en 1995, Alain Juppé se présentait aux municipales à Bordeaux. Édouard Philippe a fait part de sa décision de passer la main au maire actuel, Jean-Baptiste Gastinne, en cas de victoire. À la fin de son mandat de Premier ministre, il aimerait revenir, voulant ainsi attester de sa probité et de son désintéressement en tant que premier ministre : « ma seule ambition politique, c’est d’être maire du Havre quand cette mission s’achèvera, assure-t-il. J’ai connu des premiers ministres qui avaient d’autres ambitions politiques. Pas moi. ».

À ce jour, le maire actuel du Havre n’a pas encore établi sa liste, et donc on ignore si celui-ci sera son colistier.

Ainsi, les règles présentées comme prescrivant le « non-cumul des mandats » sont en réalité des règles d’organisation des cumuls. D’où l’incompréhension des citoyens face à des députés ou membres du gouvernement qui continuent à monopoliser les différents échelons du pouvoir dans le temps, en s’assurant leur passage direct d’un mandat à un autre. D’où une alternance non pas de personnels politiques comme beaucoup le souhaitent, mais de postes pour les mêmes personnels. On est passés d’un cumul de postes en même temps à un cumul de postes dans le temps, ce qui fait qu’en définitive, le personnel politique se renouvelle peu. Cette nouvelle forme de cumul a ses adeptes : être élu au niveau national et au niveau local permettrait de mieux répondre aux attentes des citoyens. Selon d’autres, ce cumul irait à l’encontre du principe selon lequel un député devrait représenter le peuple dans son ensemble et pas une portion de territoire.

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