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Anne Hidalgo, propose un “permis de faire” aux collectivités territoriales pour déroger aux règles nationales et décentraliser davantage

Création : 19 janvier 2022
Dernière modification : 30 septembre 2022

Auteur : Jean-Philippe Siebert, master métiers de l’administration, Université de Haute-Alsace

Relectrice : Karine Favro, professeur de droit public, Université de Haute-Alsace

Source : Programme Hidalgo!2022, p. 17

Le “permis de faire” d’Anne Hidalgo ressemble furieusement à l’expérimentation, qui existe depuis 2003, renforcée en 2021 et qui le sera encore dès que la loi dite 3DS sera votée, au cours du mois de janvier 2022, en principe. En l’état de sa proposition, on ne voit pas ce que la candidate apporte de plus.

On comprend le projet de la candidate à l’élection présidentielle : il s’agit de conférer plus d’autonomie aux collectivités territoriales en leur permettant de s’affranchir de certaines règles nationales au profit d’autres, jugées plus efficaces ou plus adaptées à certaines réalités locales. Mais cela s’appelle l’expérimentation, et cela existe déjà, même si les débuts ont été poussifs.

Une réforme constitutionnelle de 2003 a modifié l’article 72 de la Constitution pour que les collectivités territoriales puissent déroger à la loi dans un cadre expérimental. L’objectif était d’impulser un nouvel élan à la décentralisation en France, un des rares États démocratiques conservant encore une organisation unitaire. Le bilan de cette réforme de 2003 est pour le moins mitigé : seules quatre expérimentations ont été recensées (notamment le RSA, démarré sous forme d’expérimentation, puis généralisé ensuite à tout le pays), en raison d’une procédure complexe, où l’État restait très présent en subordonnant toute expérimentation à son approbation.

Une expérimentation relancée par la loi en 2021

En réponse à l’échec de la réforme constitutionnelle de 2003, le législateur a simplifié le cadre du pouvoir d’expérimentation des collectivités territoriales. Toute collectivité peut désormais adopter un régime dérogatoire par une simple délibération de l’organe délibérant (conseil municipal ou conseil régional par exemple), alors qu’auparavant les collectivités territoriales ne pouvaient participer à une expérimentation qu’après avoir été choisies par les autorités nationales, par décret. Des comités d’appui technique ont également été mis en place pour aider les collectivités modestes à réaliser des expérimentations. Par cet assouplissement, le législateur espère susciter plus d’initiatives expérimentales.

Vers une expérimentation au service de la différenciation

La future loi dite 3DS (en cours de vote final au Parlement) prévoit de conforter le droit à l’expérimentation des collectivités territoriales, notamment en leur permettant de garder les acquis de cette expérimentation, même si les autres collectivités n’en veulent pas. Jusqu’à présent (et donc jusqu’à ce que la loi 3DS soit votée), une expérimentation s’achève de deux manières : soit les mesures expérimentales (ou dérogatoires) sont étendues à l’ensemble des collectivités territoriales de même catégorie, et deviennent alors le droit commun sur tout le territoire. Soit ces mesures sont supprimées pour tout le monde. Dans ces conditions, on comprend la frilosité des collectivités territoriales à s’engager. Une autre option existera avec la loi 3DS : pérenniser l’expérimentation dans les seules collectivités concernées et y inclure les autres collectivités volontaires. Le Conseil constitutionnel a validé ce type de différenciation concernant la Corse.

Cette évolution de vingt ans tend à sortir du centralisme en libérant les collectivités territoriales du carcan juridique national qui consistait, sauf quelques exceptions, à imposer le même régime juridique pour toutes les collectivités territoriales alors même qu’elles peuvent être très différentes. Le projet présenté par Anne Hidalgo ne semble pas proposer autre chose, du moins tel qu’il est formulé.

Précision : un lecteur attentif, que nous remercions vivement, fait remarquer que si la loi sur l’expérimentation a été simplifiée, et que désormais les collectivités territoriales peuvent prendre l’initiative d’une expérimentation, les contraintes sont encore lourdes : la loi continue de déterminer les domaines dans lesquelles l’expérimentation est possible, et le type de collectivité territoriale autorisée à participer. C’est vrai. Peut-être qu’Anne Hidalgo entend alléger encore plus ce cadre ? Mais il faudrait alors faire attention au risque quant aux principes d’égalité et d’indivisibilité de la République et à l’interprétation qu’en ferait le Conseil constitutionnel. Nous attendons d’en savoir plus sur le programme de la candidate.

Contactée, Anne Hidalgo n’a pas répondu à nos sollicitations.

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