Un majordome de Michel Barnier a-t-il vraiment été arrêté pour trafic de cocaïne ?
Auteur : Hugo Guguen, juriste
Relecteurs : Etienne Merle, journaliste
Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 9 novembre 2024
Si un employé de Matignon se livrait à du trafic de cocaïne, il n’était cependant pas majordome et n’a jamais travaillé pour Michel Barnier en raison d’un arrêt maladie commencé en mars 2023.
Alice, le Chapelier fou, le chat du Cheshire et la Reine rouge s’invitent-ils à l’Hôtel de Matignon ? Le 7 novembre 2024, les forces de l’ordre ont arrêté un suspect au profil pour le moins stupéfiant.
Selon Le Parisien, l’individu contrôlé disposait de 28 bonbonnes de cocaïne, soit près de 51 g (un prix de revente équivaut à 3300 euros), 1400 euros en liquide, mais également… d’un badge d’accréditation attestant de sa profession de maître d’hôtel à Matignon.
Âgé de 26 ans, le suspect dénommé Vincent P. a reconnu les faits dès son placement en garde à vue et a alors comparu sur reconnaissance préalable de culpabilité. Le 9 novembre 2024, il a été condamné par le parquet de Paris pour “transport, détention, acquisition, offre ou cession de stupéfiants”, précisent nos confrères du Figaro.
Selon TF1, le tribunal a ainsi infligé au jeune maître d’hôtel une peine d’un an d’emprisonnement, dont six mois avec sursis, ainsi que d’une amende de 3 000 euros. Ni une ni deux, de nombreux internautes ont fait un lien entre cette condamnation et un trafic de stupéfiants “au plus haut niveau de l’État”.
Des internautes accusent alors Michel Barnier d’avoir un majordome servant de “dealer particulier”. En réalité, s’il est effectivement employé à Matignon, hôtel où vit et travaille le Premier ministre, le jeune homme n’est pas majordome et n’a vraisemblablement pas croisé son actuel locataire, contrairement à ce que laissent entendre certains internautes sur les réseaux sociaux.
Poudre de perlimpinpin et poudre blanche
C’est en tout cas ce qui ressort de la communication de Matignon, mais également celle du parquet de Paris. Selon les services du Premier ministre, Vincent P. a rejoint le service d’intendance de l’hôtel en 2022, en tant que maître d’hôtel. En raison de multiples abus de langages (notamment dans la presse), de nombreux internautes ont confondu la profession de majordome et celle de maître d’Hôtel.
Elles sont pourtant bien différentes. Le premier dirige et coordonne le personnel quand le second se concentre principalement sur le service de table et les repas.
Au-delà d’une erreur dans la désignation du poste, il est également fallacieux d’avancer que le maître d’hôtel travaille personnellement pour Michel Barnier. En effet, comme l’a confirmé le parquet de Paris aux Surligneurs, l’homme ne travaillait plus à Matignon “depuis près d’un an en raison d’un arrêt maladie”, commencé le 16 mars 2023, soit six mois avant la nomination de Michel Barnier.
Le jeune maître d’hôtel souffrirait de troubles dépressifs et anxieux, pour lesquels il suit un traitement lourd, précise une source anonyme à nos confrères du Parisien. En raison de ces éléments, Vincent P. est passé sous le statut de « grave maladie » depuis décembre 2023, avec un congé renouvelé jusqu’en mai 2025.
S’il est effectivement employé à Matignon, hôtel où vit et travaille le Premier ministre, Vincent P. n’a jamais fait partie du service d’intendance du Premier ministre Michel Barnier qui a investi l’Hôtel de Matignon en septembre 2024.
Contacté à ce sujet par nos confrères du Figaro, Matignon — qui n’a pas répondu à nos sollicitations — a par ailleurs assuré que le maître d’hôtel n’avait jamais travaillé pour Michel Barnier.
Néanmoins, l’affaire fait tache pour le gouvernement qui communique à outrance afin d’afficher sa détermination à lutter contre les trafics de stupéfiants. Pire encore, elle intervient au moment même où le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Justice dévoilent à Marseille le nouveau plan de lutte du gouvernement contre le narcotrafic.
Les ministres ne pensaient peut-être pas que les tentacules de la “pieuvre du crime” qu’ils désirent combattre s’étendaient jusqu’à l’hôtel de Matignon.
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