Que vaut cette étude norvégienne qui affirme que l’Homme n’est pas responsable du réchauffement climatique ?

Création : 25 septembre 2024

Auteur : Clément François, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste

Source : Compte Facebook, le 16 septembre 2024

Régulièrement, des climatosceptiques affirment que le CO2 produit par l’activité humaine représente une infime part des émissions émises et ne peut donc pas influencer le dérèglement climatique. C’est en effet minime, mais suffisant pour perturber un équilibre très précaire.

Et si le dérèglement climatique n’était pas notre faute ? Et si notre activité n’avait aucune influence sur la nature ? De quoi nous déresponsabiliser, et nous permettre de vivre plus librement, sans s’inquiéter des conséquences de notre éternelle pollution. 

C’est en tout cas le rêve de nombreux internautes, qui affirment que le CO2 anthropique, c’est-à-dire produit par l’activité humaine (transport, industrie, agriculture…) ne serait qu’une goutte d’eau par rapport au CO2 produit par la nature. Inutile, selon ces personnes, de chercher à limiter nos émissions de CO2, puisque de toute façon la nature en produit la majorité. 

Arguments séduisants

L’un des relais de ces idées sur les réseaux sociaux en France est l’internaute Silvano Trotta, connu pour partager de la désinformation . En 2023, il affirmait sur Twitter que “le soi-disant réchauffement climatique créé par l’homme est un mensonge qui sert à prélever des milliards de taxes et instituer une société de contrôle.” 

Dernière trouvaille en date pour appuyer leur argumentaire, Silvano Trotta et les adeptes de cette théorie se sont basés sur un article norvégien de John K. Dagsvik et Sigmund H. Moen, du Bureau central des statistiques de Norvège. 

La publication s’intéresse aux évolutions des températures et aux émissions de CO2 sur les 200 dernières années. Les statisticiens arrivent à la conclusion suivante : “L’effet des émissions de CO2 dues à l’homme ne semble pas assez fort pour provoquer des changements systémiques dans les variations de température sur les 200 dernières années.”

Nous avons soumis ces conclusions à deux chercheuses françaises : Nathalie Huret, professeure des universités et spécialiste en physico-chimie de l’atmosphère et Cathy Clerbaux, physicienne au CNRS et spécialiste de l’atmosphère. 

Depuis l’ère pré-industrielle, on est passés d’environ 280 parties par millions (ppm) de CO2 dans l’atmosphère à 420 aujourd’hui, une augmentation de près de 50 %, qui ne peut s’expliquer que par l’évolution de l’activité humaine”, affirme la première.  Des chiffres corroborés par le CNRS dans une étude de 2021.  

Même son de cloche chez la seconde : “Sans ces 280 ppm de CO2 dans l’atmosphère, la température sur Terre serait de -18 degrés. Grâce à cet effet de serre, elle est de 15 degrés en moyenne. En passant à 420 ppm, l’effet de serre et la température au sol augmentent.”

Alors qui dit vrai ? 

Une “étude”… qui n’en est pas une 

L’article des chercheurs norvégiens, mise en avant par les climatosceptiques, a été largement critiquée, notamment par ce qu’elle ne remplit pas les critères de base d’une publication scientifique sérieuse. 

En effet, selon Camille Risi, chercheuse CNRS au Laboratoire de Météorologie Dynamique et interrogé par l’AFP à ce sujet : le document n’est pas une étude scientifique, mais un “article de discussion” qui n’a pas fait l’objet d’un “processus rigoureux de relecture par les pairs”. 

D’ailleurs, le centre statistique norvégien, le SSB, dans lequel la non-étude a été publiée, a également tenu à rappeler, par communiqué, qu’ il s’agit d’une note de discussion de deux chercheurs qui présentent leurs évaluations et leurs résultats. Cela ne reflète pas le point de vue de SSB sur les causes du réchauffement climatique.

Dans ce même communiqué, l’institut statistique se défend ainsi de mettre “en doute les principales conclusions de la plupart des recherches sur le climat menées en Norvège et à l’échelle internationale au cours des 30 dernières années”.

Méthodes statistiques inapplicables au climat

De plus, le profil des auteurs interroge. Les deux hommes ne sont pas des spécialistes du climat. John K. Dagsvik est économiste au sein du SSB et Sigmund H. Moen, est un ingénieur à la retraite. Si le diplôme ne fait pas toujours la compétence, leur méthodologie a été critiquée par des spécialistes du climat.

 “Les analyses erronées ont tendance à ignorer les informations pertinentes et sont souvent rédigées par des chercheurs qui ont de l’expérience dans des domaines autres que le climat”, dénonce le scientifique de l’Institut météorologique norvégien Rasmus Benestad dans un long article publié en 2023 sur le site RealClimate, au sujet du travail de ses compatriotes. 

Pour ce spécialiste, l’erreur fondamentale de John Dagsvik et Sigmund G. Moen, est d’avoir voulu appliquer une méthode statistique à des calculs climatiques : “On peut supposer que Dagsvik et Moen sont habitués à ce genre de modèle, mais ils semblent inexpérimentés avec les modèles utilisés pour la météo et le climat, qui, eux, sont basés sur les lois de la physique”, écrit-il avant de lister les erreurs méthodologiques des statisticiens. 

Face à ces éléments, il est nécessaire de prendre l’article de discussion norvégien avec des pincettes. Notons aussi que ses conclusions sont très loin des innombrables publications scientifiques qui, elles, respectent une méthodologie et une relecture par les pairs, et qui confirment que le réchauffement climatique est d’origine humaine. 

Consensus scientifique mondial 

Le chercheur australien à l’université de Monash, John Cook, concluait en 2016 que 97% des scientifiques s’accordent quant aux origines anthropomorphiques du réchauffement climatique, comme le rappelle l’AFP, en s’appuyant sur la base de près de 12 000 articles publiés entre 1991 et 2011

Les êtres humains sont l’élément perturbateur. Depuis que nous avons commencé à brûler des énergies fossiles, la température sur Terre n’a fait qu’augmenter, et selon l’immense majorité des scientifiques, rien d’autre ne peut expliquer une telle montée des températures dans un si court laps de temps. 

 

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