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Pour Yaël Braun-Pivet: “Le 49.3 nous permet d’éviter” un risque de shutdown comme aux Etats-Unis”

Création : 3 octobre 2023

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Relecteur : Sacha Sydoryk, Maître de conférences en droit public, Université de Picardie Jules Verne

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng et Emma Cacciamani



Source : France Inter, Questions politiques, 1er octobre 2023

En France, une suspension des financements publics n’est pas possible car, si le Parlement ne vote pas le projet de loi de finances dans un certain délai, le gouvernement peut l’appliquer lui-même. Donc, pas de shutdown possible, même sans le 49 al. 3.

La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, voit en l’article 49 alinéa 3 de la Constitution un rempart juridique et politique contre un blocage du financement des services publics, s’appuyant sur l’image du shutdown américain. Sauf qu’en France, le shutdown n’est pas possible.

Le shutdown, qu’est-ce que c’est ? 

Chaque année, les deux assemblées parlementaires américaines, la Chambre des représentants et le Sénat, votent la loi de financement de l’administration fédérale de l’année à venir, avant le 1er octobre. Si les deux chambres ne se mettent pas d’accord avant cette date, le financement des services publics et le paiement des agents ne sont plus autorisés, et les activités gouvernementales non essentielles sont suspendues : c’est le shutdown. L’image la plus familière est celle des fonctionnaires des services non essentiels qui restent chez eux.

Cette année, les Etats-Unis ont failli connaître un nouveau shutdown. La Chambre des représentants et le Sénat, avec une majorité respectivement républicaine et démocrate, se sont affrontés pendant des mois, trouvant un terrain d’entente le 30 septembre, à quelques heures de l’échéance. Le désastre a été évité de justesse, mais cela n’aurait pas été la première fois…

Une hypothèse impensable en France

Le Parlement français devait débattre de la loi de programmation des finances publiques. Des débats qui n’ont pas duré puisque la Première ministre a utilisé l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter le texte. Pour rappel, sur le fondement de cet article, le Gouvernement fait adopter un projet ou une proposition de loi par l’Assemblée nationale, sans le vote des députés. En contrepartie, le gouvernement engage sa responsabilité et doit démissionner si une motion de censure est adoptée par les députés. Dans ce cas, le projet de loi n’est finalement pas adopté.

Si l’article 49 alinéa 3 n’existait pas et si le gouvernement n’obtenait pas de majorité pour adopter son projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP), les services publics seraient-ils bloqués ? Non.

La LPFP n’est pas contraignante et ne bloque rien si elle n’est pas votée

La LPFP ne fait que fixer les orientations budgétaires pour les années à venir, dans l’esprit d’une planification pluriannuelle des dépenses. Elle est prévue à l’article 34 de la Constitution. Cette loi a pour seul but de tracer des orientations en matière de finances publiques. Elle n’est pas contraignante et n’engage pas de dépenses ou de recettes publiques, au contraire de la loi de finances votée en fin d’année civile,qui fixe  le montant et l’affectation des charges et des recettes publiques pour l’année à venir, et sans laquelle le gouvernement ne peut plus encaisser ni décaisser de fonds.

Et même si la loi de finances n’était pas votée, il n’y aurait pas de shutdown

Et quand bien même, un projet de loi de finances qui ne serait pas adopté par le Parlement dans les temps ne conduirait pas à l’arrêt des services publics. L’article 47 de la Constitution prévoit que si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de soixante-dix jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance”. Donc si le Parlement ne légifère pas, le gouvernement peut le faire, passé un certain délai. Pas de risque de shutdown, les dispositions budgétaires seront toujours appliquées, qu’elles soient adoptées par le Parlement ou décidées par le gouvernement.

Il est donc faux d’affirmer que l’article 49 alinéa 3 protège la France contre un shutdown à l’Américaine, car un tel événement n’est juridiquement pas possible en France. 

Contactée, la présidente de l’Assemblée nationale n’a pas répondu aux Surligneurs.

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