Pour François Hollande : « les seuls drapeaux qu’on doit porter dans des lieux publics, ce sont les drapeaux français »
Dernière modification : 10 octobre 2024
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : François Hollande, le 7 octobre 2024
Faire de la propagande avec un drapeau étranger dans un espace public est possible, sous certaines conditions. Et si l’on n’autorisait que le drapeau tricolore, on devrait décrocher tous les drapeaux européens.
La semaine dernière, Jean-Luc Mélenchon avait appelé les étudiants à accrocher des drapeaux palestiniens “partout où on peut”. Nous avions saisi l’occasion pour expliquer que ce n’est pas possible dans les locaux d’une université.
Cet appel a suscité de nombreuses réactions, notamment de la part de l’ancien président de la République François Hollande. Désormais député de Corrèze, il dénonce « une propagande qui n’a pas sa place dans des lieux publics », et affirme que « les seuls drapeaux qu’on doit porter dans des lieux publics, ce sont les drapeaux français ». Il relativise en disant que l’on peut brandir d’autres drapeaux (palestiniens par exemple) dans la rue à l’occasion de manifestations. Des propos sur lesquels nous devons revenir.
La propagande dans les lieux publics
Il est tout à fait possible de faire de la propagande et d’exprimer des opinions dans des lieux et espaces publics (et François Hollande fait bien de mentionner le cas de la rue) à deux conditions.
Premièrement, les opinions en question ne doivent pas voir leur expression interdite par la loi : sont donc exclus les propos publics racistes, homophobes ou encore négationnistes.
Deuxième condition, même si les opinions exprimées ne sont pas en soi problématiques, leur expression ne doit pas troubler l’ordre public. Il est donc possible de brandir un drapeau palestinien, breton, corse, américain dans l’espace public à condition que cela ne trouble pas l’ordre public, et à condition aussi, s’il s’agit d’une manifestation, de l’avoir déclarée en vertu de la loi.
François Hollande, réagissant à l’appel de Jean-Luc Mélenchon, visait certainement les universités et plus largement les lieux accueillant un service public. Comme nous l’avions rappelé en surlignant le fondateur de la France insoumise, les étudiants, comme tout usager du service public, ne sont pas concernés par l’obligation de neutralité. Ils peuvent exprimer leurs opinions mais sans toutefois troubler le bon fonctionnement du service.
Le drapeau français, le seul autorisé ?
Si pour les étudiants, porter un drapeau palestinien peut être légal, en revanche, le principe de neutralité s’applique aux bâtiments publics. Ainsi, apposer des drapeaux sur le fronton des bâtiments publics autre que le drapeau français est interdit du fait de la neutralité du service public qu’abritent ces bâtiments. Nous avons eu l’occasion de le rappeler lorsque Christian Estrosi refusait d’ôter les drapeaux israéliens sur le fronton de la mairie de Nice. Le drapeau tricolore, lui, est autorisé car il est l’emblème de la République française. Pour autant, il n’est pas le seul. À ses côtés, flotte bien souvent le drapeau européen.
François Hollande souhaite-t-il alors le retirer ? Ce serait contraire, symboliquement, à la reconnaissance officielle des symboles de l’Union européenne par le président de la République et à l’appartenance à la communauté européenne. Un simple usage, qu’un député voulait rendre d’ailleurs obligatoire. Pour l’heure, rien n’oblige à accrocher le drapeau européen sur les bâtiments publics français.
Sont aussi autorisés les drapeaux des villes sur les bâtiments communaux et ceux des régions sur les bâtiments régionaux, comme le siège du conseil régional ou les lycées.
Quid du drapeau ukrainien sur certaines mairies ?
Depuis l’agression de l’Ukraine par la Russie, de nombreuses communes pavoisent leur mairie d’un drapeau ukrainien. Est-ce pour autant légal ?
Le tribunal administratif de Lyon a considéré en 2011 que le pavoisement permanent d’un bâtiment public aux couleurs d’un drapeau étranger est illégal, car il est contraire à la neutralité du service public. En l’occurrence, il s’agissait d’un drapeau palestinien sur le fronton de la mairie de Vaulx-en-Velin.
La seule occasion durant laquelle un drapeau étranger peut être accroché à un bâtiment public, c’est, par exemple, lors de la visite officielle d’un chef d’État ou de gouvernement étranger. Dans ce cas, le drapeau ne doit rester que le temps de la visite et le drapeau français doit conserver sa place d’honneur.
Si le drapeau ukrainien peut être considéré comme n’enfreignant pas le principe de neutralité, c’est qu’il fait écho à une cause nationale assumée par l’État. Il en va de même lors d’un hommage (aux attentats de New York, au massacre du 7 octobre 2023 commis par le Hamas, etc.), ou d’une démarche solidaire envers une catégorie de population.
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