Manuel Bompard affirme qu’il serait possible de dégager “17 milliards en rendant la taxation de l’héritage plus progressive et en instaurant un héritage maximum”

Création : 17 juin 2024
Dernière modification : 26 juin 2024

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au centre de recherches VIP, Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Source : BFMTV, BFMPolitique, 42’

Déjà que le Conseil constitutionnel a jugé en 2012 qu’un taux de 75 % était confiscatoire car contraire à la Déclaration des droits de l’homme, on ne pariera pas sur le succès d’une réforme créant une tranche de 100 %.

Ce n’est pas tant la progressivité qui interroge, mais la notion d’héritage maximum. Selon une formule qu’avait employée Jean-Luc Mélenchon il y a quelques années, à propos du même impôt sur les successions : “au-delà de 12 millions” d’héritage, “je prends tout“, avait affirmé celui qui à l’époque était candidat à l’élection présidentielle. Or, ce que nous avions écrit en 2022 est encore valable en 2024.

La progressivité jusqu’à un certain niveau…

Manuel Bompard entend donc faire voter une loi modifiant le barème actuel des droits de succession. Ce barème relativement complexe tient compte à la fois du montant de la succession (les biens hérités), et du lien de parenté entre l’héritier et le défunt. Les héritiers en ligne directe (père, mère, fils, fille) sont les moins taxés. À l’inverse les cousins et autres neveux jusqu’au 4° degré sont très fortement taxés.

De plus, ce barème se calcule par tranches, comme l’impôt sur le revenu : il y a toujours une première tranche très basse, exonérée ou taxée à un taux très bas (5%, en dessous de 8 072 euros). À l’autre extrémité du barème, une tranche dite marginale, la plus haute (actuellement, en ligne directe, 45 % au-delà de 1 808 677 euros). Entre les deux, on trouve les tranches intermédiaires, avec des taux progressifs. Il existe actuellement sept tranches au total.

Manuel Bompard souhaite donc la création d’autres tranches pour les successions importantes, avec une dernière tranche qui reviendrait à taxer à 100 % tout ce qui dépasse un montant à préciser. Pour J.L. Mélenchon, cette tranche démarrait à 12 millions d’euros. En somme, et pour caricaturer, une personne qui hériterait de 100 millions d’euros, devrait acquitter au titre de la dernière trancher de 88 millions, sans compter l’application des tranches inférieures. Car avec une tranche inférieure à 45 % comme actuellement, il faudrait encore ajouter plus de 5 millions de taxations, sans compter les autres tranches. En somme, l’héritier de 100 millions garderait entre 5 et 6 millions, voire moins selon les tranches créées.

… Puis la confiscation ?

Qu’en dirait le Conseil constitutionnel ? De manière générale, il juge qu’au-delà d’un certain montant, l’impôt peut devenir “confiscatoire”, et donc contraire à la Déclaration des droits de l’homme selon laquelle chacun contribue aux dépenses d’administration selon ses facultés (article 13). Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel avait refait surface sous la présidence Hollande, en décembre 2012, lorsqu’il avait envisagé de créer une tranche marginale de 45 % pour l’impôt sur le revenu, à partir de 150 000 euros de revenu annuel.

Le raisonnement du Conseil constitutionnel est le suivant : selon l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme : “Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés”. Or cette exigence serait bafouée  “si l’impôt revêtait un caractère confiscatoire ou faisait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives”.

Reste que le Conseil constitutionnel ne fournit pas de mode d’emploi de sa jurisprudence, en expliquant à partir de quel taux il juge qu’un impôt est confiscatoire. D’autant qu’un impôt ne doit jamais être considéré seul, mais en combinaison avec les autres impôts portant sur les mêmes biens. On peut toutefois considérer sans risque de se tromper que la réforme préconisée par Manuel Bompard ne passerait pas : en 2012, le Conseil constitutionnel avait jugé qu’un taux de 77 % d’imposition sur les stock-options, ou de 82 % sur les plus-values immobilières, était confiscatoire. Alors 100 %…

D’autant que, enfin, les héritages ne se composent pas que d’argent qui dort sur un compte bancaire, loin de là. Il s’agit le plus souvent de biens immobiliers, voire d’entreprises. Cela signifie que les héritiers devraient vendre leur maison familiale ou leur entreprise pour payer l’impôt, ce que la Cour de cassation cette fois considère également comme confiscatoire.

Cet article a été écrit à l’aide de la base de données Pluralisme.fr qui recense les discours de plus de 1400 personnalités politiques et publiques françaises.

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