Loi de 1905 : pourquoi la ville de Metz peut subventionner la construction d’une mosquée
Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Antoine Mauvy, étudiant en droit à l’université Paris II Panthéon-Assas
Source : Post Facebook, le 17 juillet 2024
Des internautes s’indignent du fait que la ville de Metz ait décidé de subventionner la construction d’une mosquée à hauteur de 490 000 euros alors que la loi de 1905 instaure le principe de séparation entre les Églises et l’État. Mais en Alsace-Moselle, c’est le Concordat de 1801 qui s’applique toujours.
Le 15 juillet dernier, le conseil municipal de la ville de Metz a voté une subvention de 490 000 euros pour la construction d’une mosquée. Sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes se sont indignés que l’État finance en partie un édifice religieux.
Sur Facebook, une internaute s’interroge vigoureusement. « Depuis, 1905, il y a la séparation de l’église et de l’État !! DONC …. FAUT M’EXPLIQUER ? Depuis quand l’état et les municipalités peuvent financer des mosquées ! [sic] »
Si pour elle, le problème semble clairement venir du fait qu’il s’agit du culte musulman, l’internaute pointe du doigt un sujet intéressant. Oui, la France est un État laïque, et ce, depuis le début du 20ᵉ siècle : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte » en vertu de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État.
S’il existe des aménagements par la loi et la jurisprudence, comme le rappelle un rapport d’information du Sénat de 2023, l’interdiction du financement public des lieux de culte est la règle.
L’exception alsacienne-mosellane
Sauf qu’il existe encore et toujours un territoire très particulier sur lequel cette loi ne s’applique pas : l’Alsace-Moselle. En effet, quand la loi concernant la séparation des Églises et de l’État fut promulguée en 1905, ces départements étaient annexés par l’Empire allemand.
Quand le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Moselle sont redevenus français en 1918, ils ont conservé leur législation locale sur les cultes et les congrégations religieuses. La loi du 1er juin 1924 est alors venue confirmer que ces départements maintiendront cette particularité.
Le régime juridique qui s’applique donc est le Concordat de 1801 de Napoléon Iᵉʳ qui réglemente les relations entre le Saint-Siège et l’État français. Ce traité n’ayant jamais été abrogé en Alsace-Moselle.
Comme à l’époque, quatre cultes dits « statutaires » y sont reconnus : les cultes catholique, protestant (luthérien et réformé) et israélite. Les cultes non-statutaires (musulman, bouddhiste et orthodoxe notamment) sont constitués en « associations inscrites de droit local » à objet cultuel.
À la différence des personnels des cultes statutaires, ceux des non-statutaires ne sont pas rémunérés sur le budget de l’État. Ceci dit, que le culte soit statutaire ou pas, les collectivités locales participent au financement des édifices religieux.
Un projet majoritairement financé par des dons privés
Rien d’étonnant donc à ce que la mairie de Metz subventionne une partie d’un lieu de culte. D’autant que ce projet ne date pas d’hier. En 2013, la ville-préfecture de la Moselle avait mis à disposition un terrain d’1,2 hectare, loué pour une somme symbolique, pour accueillir cette mosquée qui doit pouvoir accueillir 4 000 personnes. À cette époque, le maire socialiste de l’agglomération messine avait refusé que la collectivité finance l’édifice.
En 2021, les travaux ont débuté, majoritairement grâce à des dons de fidèles, explique l’Union des associations cultuelles et culturelles de Metz qui porte le projet. Ce n’est donc que le 15 juillet 2024 que le conseil municipal de Metz accorde une subvention de 490 000 euros pour la construction de la mosquée, dont le budget total s’élèverait à 15,7 millions d’euros, selon France Bleu Lorraine Nord. Une décision qui ne fait pas seulement réagir les internautes, mais aussi certains opposants politiques.
Ce n’est pas une première, la ville de Strasbourg avait accordé une subvention de 2,5 millions d’euros pour la construction d’une mosquée, avant de l’annuler au vu de la polémique qu’elle avait provoquée.
Un régime qui pose question
Plus généralement, la particularité alsacienne-mosellane sur les cultes continue d’être remise en question. En 2013, le Conseil constitutionnel a jugé que cette particularité était conforme à la Constitution, mais en 2021, lors de la loi contre le séparatisme religieux, la question était revenue sur le devant de la scène au point qu’en 2023, deux députés LFI avaient fait une proposition de loi pour abroger le régime local des cultes.
Il faut dire que cette disposition coûte, chaque année, plus de 50 millions d’euros rien que pour le traitement des fonctionnaires particuliers (catholique, protestant, israélite).
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