Le premier ministre Édouard Philippe annonce un gel des tarifs de l’électricité et du gaz

Création : 7 décembre 2018
Dernière modification : 17 juin 2022

Auteur : Jérémy Surieu, sous la direction de Jean-Paul Markus

Source : Le Figaro, 4 décembre 2018

La mesure de gel des prix de l’électricité voulue par Édouard Philippe est illégale en raison de la distorsion de concurrence qu’elle crée entre les différents fournisseurs sur le marché du gaz et de l’électricité. Le risque est que le juge annule et oblige l’État à augmenter rétroactivement les tarifs de l’électricité comme cela s’est déjà produit.

Le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé ce mercredi 5 décembre 2018 son intention de procéder à un gel des prix de l’électricité pendant l’hiver, ce qui se traduira concrètement par une absence de hausse automatique des prix comme cela se pratique pourtant au début de chaque année. Cette mesure s’inscrit ainsi dans une série d’annonces faites par le gouvernement, comme l’annulation de la hausse de la taxe carbone sur les carburants, afin d’apaiser les tensions qui émaillent le pays depuis quelques semaines. Cependant, bien que cette mesure soit guidée par le souci d’obtenir la restauration de l’ordre public, elle est juridiquement risquée.

En France, le marché de l’électricité était sous monopole d’EDF jusqu’en 2010. Par une loi du 10 février 2010, EDF a perdu ce monopole et des fournisseurs privés ont pu s’installer sur ce nouveau marché. Mais EDF garde une position très dominante (c’est-à-dire majoritaire) sur ce marché du fait de son ancien monopole et du maintien transitoire de ce qu’on appelle le tarif réglementé (c’est-à-dire le tarif fixé par l’autorité au contraire des tarifs libres fixés par les fournisseurs eux-mêmes).

Pour que la concurrence entre fournisseurs privés et EDF ne soit pas faussée au profit d’EDF, il faut donc que ce tarif réglementé soit réaliste, et tienne compte du coût du kilowattheure, notamment le kilowattheure nucléaire. D’où la loi dite NOME du 7 décembre 2010, qui permet aux fournisseurs privés de se fournir eux-mêmes en électricité nucléaire à un prix compétitif pour la revendre aux consommateurs, et l’article L.337-14 du  code de l’énergie prévoit que le prix réglementé de l’électricité est « réexaminé chaque année »  et qu’il « est représentatif des conditions économiques de production d’électricité par les centrales nucléaires », ce qui signifie qu’il tient compte de différents éléments tels les coûts d’exploitation et d’entretien. Ce tarif est fixé par arrêté du ministre de la transition écologique.

Si le tarif est trop bas, les consommateurs restent sur l’offre réglementée d’EDF et la concurrence entre EDF est les autres fournisseurs est faussée. Or il arrive que le gouvernement fixe un tarif plus bas que ce qu’exigerait l’évolution des coûts du kilowattheure, afin de satisfaire l’opinion publique. C’est contraire à la loi, et chaque fois le juge donne raison aux fournisseurs privés qui sont lésés. C’est ce qui a été fait en 2016 et 2017 : chaque fois, le juge a annulé le tarif trop bas puis obligé l’État à fixer une hausse de rattrapage.

Cela signifie qu’un gel des tarifs en 2019 sera certainement annulé par le juge, et qu’un rattrapage s’ensuivra.

Ou alors il faut modifier les lois. Mais ces lois ont été votées pour mettre le France en conformité avec le droit européen.

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