Indemnisation de Salah Abdeslam : Eric Ciotti considère que « l’Etat français ne doit rien aux barbares islamistes »

Création : 13 juillet 2019
Dernière modification : 20 juin 2022

Auteur : Valentin Caro, master I droit, sous la direction de Vincent Couronne.

Source : BFM avec RMC, 9 juillet 2019

Salah Abdeslam est un justiciable détenu dans une prison française, soumis à la loi française et bénéficiant de la loi française le cas échéant. Le remboursement des frais d’avocats est inscrit dans la loi, laquelle n’a pas prévu d’exclusion pour les « barbares islamistes ». Ou alors, M. le Député, faites modifier la loi.

À la suite de la révélation d’une décision de justice condamnant l’État français à indemniser Salah Abdeslam à hauteur de 500€ pour des conditions de détention illégales, Eric Ciotti, député Les Républicains des Alpes-Maritimes, s’est dit « offusqué par cette décision de justice » et considère que « l’Etat français ne doit rien aux barbares islamistes ». Ce tweet a ensuite été repris par BFM. 

Le 9 juin 2016, Salah Abdeslam, unique rescapé du commando djihadiste de l’attentat du Bataclan, avait été écroué à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, sous surveillance continue dans sa cellule, par un système de vidéosurveillance. Cette surveillance accrue avait été permise grâce à l’adoption d’un arrêté ministériel, pris par le ministre de la justice de l’époque, Jean-Jacques Urvoas. 

Mais par une décision du 24 mars 2017, le tribunal administratif de Versailles a considéré que cet arrêté était en réalité contraire à la Constitution. Ce texte, au sommet de la hiérarchie des normes en France prévoit en effet que le pouvoir exécutif (le gouvernement) et le pouvoir législatif (le Parlement) ont tous deux un champ de compétences bien distinct. Or, pour les magistrats, réglementer la vidéosurveillance en détention relève de la compétence du législateur, et non de l’exécutif, comme le prévoit l’article 34 de la Constitution (« la loi fixe les règles concernant (…) les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques »). L’arrêté ministériel était donc illégal, en conséquence de quoi la décision du ministre plaçant le requérant sous surveillance continue dans sa cellule devait nécessairement être annulée. Notons que – preuve que le Gouvernement avait conscience de l’inconstitutionnalité de son arrêté –, le ministère a fait voter des dispositions législatives reprenant exactement les termes de l’arrêté, et ce avant même la décision du tribunal administratif. L’usage de la vidéosurveillance en prison est donc à nouveau possible.

D’où proviennent les 500 euros mis à la charge de l’État dont parle Eric Ciotti ? La loi prévoit que « le juge condamne (…) la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés » (article L761-1 du code de justice administrative). C’est pourquoi le tribunal a mis à la charge de l’État français la somme de 500 euros pour rembourser les frais de justice de Salah Abdeslam. Contrairement à ce qu’a défendu l’avocat Guillaume Jeanson dans un entretien au Figaro, cette somme n’était pas destinée à réparer « l’atteinte portée à cette vie privée qui a, quant à elle, attenté sans repentir à la vie de centaines d’autres ». Il s’agit simplement du remboursement des frais exposés pour se défendre, autrement dit des frais d’avocat.

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